Christine Montalbetti, Fukushima mon amour
C’est un quartier au nord de Paris où le nom des rues décline les valeurs de la République et où, posées en retrait de toute agitation, les « villas » (ruelles piétonnes qui desservent une théorie de maisons à jardinets ou terrasses) offrent un calme campagnard aux habitants. Christine Montalbetti nous reçoit chez elle (on avait, par mégarde sonné chez les voisins), chemise blanche, cheveux noirs et douceur du sourire. La maison n’est pas grande, s’enorgueillit d’un jardin d’hiver qui ne sert au final que de puits de lumière au-dessus de la cuisine, avec vue sur le ciel et les étages d’un immeuble proche. Deux coins bibliothèques, un bureau et au centre de la pièce à vivre une large table ronde. L’escalier pensé pour économiser l’espace conduit à un étage qu’on ignorera. Sur le mur le plus long, une photo encadrée donne sur la fenêtre d’un cottage des années 70 du campus de Norman où la romancière a passé quelques jours de résidence à finir d’écrire Journée américaine après avoir écrit Western dont la traduction américaine figure dans la partie de la bibliothèque réservée à ses livres (avec celle de L’Origine de l’homme). L’œuvre est déjà conséquente, même si l’écrivain refuse qu’on y ajoute les ouvrages de théories, les essais littéraires et universitaires qu’elle a publiés (sur la fiction, sur les personnages, sur la digression, sur l’image du lecteur, sur Diderot, Genette, Chateaubriand…). Depuis 2001 et Sa fable achevée, Simon sort dans la bruine qui raconte les minutes qui précèdent et suivent les retrouvailles entre deux amis, la jeune femme a publié une dizaine de livres et quelques textes donnés ici ou là, pour des publications collectives ou pour la scène. Œuvre conséquente donc et caractéristique : Montalbetti, c’est d’abord une phrase étirée jusqu’à l’ivresse, ondoyante et productrice de surprises autant lexicales que rhétoriques. C’est aussi une attention portée aux détails, à l’instant infime : ses romans ne racontent (apparemment) presque rien, n’accumulent ni rebondissements ni actions d’éclat. Même dans Western où l’unité de temps est respectée, on n’assiste qu’à fort peu de mouvements. Mais on y rit beaucoup. Non pas d’un rire gras (celui qui jaillit de voir les malheurs d’un autre), mais d’un rire surpris, étonné, pris à revers par les méandres d’une phrase, la liberté exubérante d’un imaginaire ancré dans la langue. L’attaque d’un stade empli d’Américains par une armée de moustiques dans Journée américaine donne un bel exemple de sa virtuosité d’écriture mise au service de nos zygomatiques.
Love Hotel qui paraît aujourd’hui apporte une nouvelle tonalité. Un romancier français (« hexagonal ») se rend dans un love hotel de Kyoto, y retrouve sa maîtresse, lui fait l’amour en pensant aux esprits et aux contes japonais et revient chez lui en longeant la rivière Kamogawa. La phrase se déploie plus modestement et l’humour, s’il est palpable dans la description de certaines chambres (la chambre Hello Kitty, par exemple) reste...