Elle a maintenant son bureau à la Librairie polonaise, boulevard Saint-Germain, à Paris, propriété du groupe Libella (Buchet-Chastel, Phébus, Noir sur Blanc, Les Cahiers dessinés…) « J’ai tout perdu mais je respire mieux, dit-elle. La pression commence à se relâcher ». L’année 2012, « calamiteuse », a sonné en effet la fin des Allusifs, enseigne québécoise que Brigitte Bouchard a fondée en 2001. Faillite puis démission. Une page à tous égards bien noircie se tourne. Le catalogue des Allusifs, c’est 112 titres, 71 auteurs, 13 langues, également 1000 manuscrits français reçus par an. Et une forte identité : une prédilection pour le roman court et une autre, donc, pour les littératures étrangères contemporaines, notamment hispanique, scandinave et serbe. L’audace, doublée d’un joli flair, aura payé. C’est aux Allusifs que le lecteur français doit la découverte, entre autres, de Roberto Bolaño, Horacio Castellanos Moya, Vladimir Tasic, Giosuè Calaciura, Knud Romer, l’Afro-Américaine Maya Angelou ou encore Sylvain Trudel et son magnifique Du mercure sous la langue.
Histoire de rebonds, d’énergie. Si la Montréalaise (« avant d’être québécoise ») respire mieux, c’est qu’elle lance ce printemps Notabilia, une collection abritée par les éditions Noir sur Blanc. La nouvelle aventure démarre avec trois titres : Dernier voyage à Buenos Aires de Louis-Bernard Robitaille, Trois cercueils blancs d’Antonio Ungar (cf. p. 52) et Journal d’un recommencement de Sophie Divry. Alors, soulagée ? « Comme en amour, il n’y a pas d’assurance absolue », sourit-elle.
Dans quelles conditions Notabilia a rejoint les éditions Noir sur Blanc ?
Après une association en 2010 qui s’est avérée malheureuse avec les éditions Leméac au Québec. Ces dernières n’avaient pas suffisamment d’expérience en France et ne connaissaient pas la littérature étrangère pour comprendre les enjeux des Allusifs. Après un an, j’ai compris que je devrais trouver un investisseur pour racheter les parts de Leméac. Vera Michalski, présidente du groupe Libella, s’est montrée intéressée mais après plusieurs mois de négociations délicates, à essayer de minimiser les dégâts, l’entente a malheureusement échoué. Suite à ce constat, j’ai été contrainte, comme tant d’autres éditeurs, d’abandonner ma maison. Une maison que j’ai créée et que j’ai défendue du mieux que j’ai pu. J’ai donc proposé à Vera Michalski de créer une nouvelle structure qui serait, en partie, une continuation des Allusifs (l’essentiel du chargement des Allusifs, à savoir les auteurs, a été transbordé chez Notabilia). Elle m’a suggéré d’accueillir Notabilia au sein des éditions Noir sur Blanc, qu’elle a fondées avec son mari en 1987. Je trouvais cela naturel de me lier avec un catalogue qui s’est ouvert sur d’autres cultures, notamment de l’Est de l’Europe, dès sa création.
Quels enseignements tirez-vous de la faillite des Allusifs ?
La faillite a été décidée par Leméac qui a racheté depuis les...
Éditeur Acte 2
mai 2013 | Le Matricule des Anges n°143
| par
Philippe Savary
Il y a une vie après Les Allusifs. L’éditrice Brigitte Bouchard vadrouille à nouveau dans les eaux internationales, cette fois sous pavillon Notabilia. Avec un œil aussi sur la littérature française.
Un éditeur