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Essais Le dossier pour tous

juin 2013 | Le Matricule des Anges n°144 | par Gilles Magniont

Comment, au milieu du 19e siècle, la Préfecture de police de Paris faisait le compte des homosexuels : un document extraordinaire édité avec beaucoup d’intelligence.

Le Registre infamant

C’est un registre nominatif composé en 1852-1853. Il est coté BB4, mais étiqueté de manière plus parlante : « pédés  ». De brèves notices biographiques (d’une ampleur toutefois variable) écrites, comme l’indique Jean-Claude Féray dans sa présentation, « par des policiers pour des policiers  » : ainsi « elles ne s’encombrent (…) d’aucune des précautions d’usage que l’on rencontre dans la littérature générale  ». Pas d’argot très fleuri, mais des pédés et la déclinaison de vocables encore d’usa-ge – vieille tante, tante des tantes, tantinette, etc. Et parfois des rapports d’une saine simplicité, comme pour le prince de Montmorency : « Ce personnage fut surpris dans les Champs-Elysées (…) avec un individu qui avait les apparences d’un domestique (le prince se faisant enculer).  » La deuxième surprise est sur le fond : bien sûr, il s’agit de consigner des actes d’une dégoûtante obscénité, mais les notices ont leur part de nuance, de restriction, de complexité. Un tel est un « homme plein d’esprit  », l’autre un « gros et beau garçon blond  ». Le baron de Vernon ? Un « bra-ve homme au fond  ». Et les situations sont comme on dit compliquées : si Alvarez le libraire de la rue Ste Barbe « fait des passes », c’est « cependant un homme marié qui a des enfants et qui jouit d’une bonne réputation dans son quartier  ». La police semble même se tenir à distance (relative) des corbeaux : le dénommé Dubeau « a été signalé comme pédé, mais rien ne justifie cette dénonciation, que l’on mentionne pour mémoire ».
N’enjolivons pas : c’est bien une liste rose. Mais qui témoigne peut-être de la hantise des frondes plus que d’une véritable mise au pas sur le chapitre des mœurs. Le pouvoir est encore d’une tolérance relative pour la sphère privée (la répression s’intensifiera sous le second Empire et surtout la IIIe République), mais il tient le compte des anarchistes ; et, comme le rappelle l’éditeur, « surveiller un groupe d’hommes qui pouvaient être soudés aussi bien par leur appartenance sexuelle que par leurs idées politiques a été un souci constant de certains régimes peu libéraux »… En témoigne le cas d’Eugène Lherminier, professeur au Collège de France : « On dit qu’il s’est rallié au gouvernement parce que des agents l’ont surpris en flagrant délit dans la position la plus dégoûtante, et qu’il aurait été traîné devant les tribunaux s’il ne s’était engagé à changer d’opinion politique  ».
On apprend donc une foule de choses, d’autant que le registre est suivi d’éclairantes annexes – tel ce rapport de la police municipale déplorant en 1851 les progrès de la démocratie : « Toutes les classes sont envahies ; la haute société avait ce honteux privilège & se cachait avec un grand soin : mais actuellement, les classes inférieures ont pris ce goût  » – et surtout d’un épais « dictionnaire » creusant les silhouettes du registre. Et nous menant aux confins de l’histoire littéraire, au cœur des ministères et parmi les usages du temps, de masturbations à ciel ouvert en hauts lieux de débauche (comme les grandes zones obscures des Champs-Elysées ou l’île Louvier aujourd’hui disparue), en passant par les maître-chanteurs, les bals, les travestissements. Rien n’explique pourtant tous ces curieux flagrants délits où la police de Paris semble intervenir au ralenti : voir par exemple Louis Duval arrêté « pour avoir fait des propositions de pédérastie au sergent de ville Paysan, et lui avoir introduit la main dans la culotte  », voir encore mieux René Demaire arrêté par un sergent de ville : « il s’était déboutonné pour se masturber devant lui, puis il déboutonna le sergent de ville et lui saisit vivement les parties génitales ». Il faut admettre que ledit René Demaire faisait vraiment vivement son affaire.

Gilles Magniont

Le registre infamant
Appareil critique de Jean-Claude Féray
Quintes-Feuilles, 540 pages, 29

Le dossier pour tous Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°144 , juin 2013.
LMDA papier n°144
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