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Domaine français Lignes de mire

octobre 2013 | Le Matricule des Anges n°147 | par Anthony Dufraisse

Dans Sarajevo assiégé, l’ex-reporter Jean Hatzfeld suit un couple d’athlètes écartelé par la guerre.

Robert Mitchum ne revient pas

Autant vous mettre au parfum maintenant : Robert Mitchum pointe sa truffe à la page 18. Car ce Robert Mitchum-là est un cabot. Sa maîtresse, Marija, est championne de tir. Tout comme son amoureux, Vahidin. Quand ces deux-là n’ont pas la carabine à l’épaule, ils s’enlacent bras-dessus bras-dessous. Qu’elle soit serbe et orthodoxe, et lui bosniaque et musulman ne les empêchent en rien de se fréquenter. C’est en couple qu’ils iront représenter l’équipe de Yougoslavie aux Jeux olympiques de Barcelone. Nous sommes en effet en 1992. L’ambiance est aux ultimes préparatifs, et ce dans tous les horizons. La compétition approche, tout comme s’annonce la guerre fratricide qui va ravager Sarajevo. Jean Hatzfeld, dont on connaît surtout les écrits sur le Rwanda, revient donc avec ce roman sur un théâtre de guerre qu’il a couvert en son temps. Reporter là-bas pour Libération, il a eu la chance, sur place, de réchapper à une rafale de kalach’. Ici, il revisite cette expérience de la guerre à travers deux personnages qui sont des athlètes de haut niveau. Si ce choix n’a rien d’étonnant quand on connaît la passion d’Hatzfeld pour le sport, cela permet, en revanche, une approche étonnante sur un conflit qu’il avait déjà évoqué dans L’Air de la guerre et dans La Guerre au bord de l’eau.
Séparés par le siège de Sarajevo, happés par leurs communautés respectives, Marija et Vahidin entrecroisent leurs voix et leurs points de vue pour présenter sous divers angles une réalité jamais simple ni univoque. Entre un amour passionnel, entier, et un attachement tout aussi marqué pour leur communauté, entre la fidélité à l’autre et l’acceptation du pire, il n’est pas aisé de trouver l’équilibre. Préférant de bout en bout l’évocation à l’analyse, la description à la démonstration, Jean Hatzfeld montre que des êtres pris dans la guerre ne sauraient rester neutres. L’un comme l’autre, s’ils essaient de se tenir à l’écart du conflit, finiront par y prendre part de la plus meurtrière des manières. Tireurs d’élite qu’ils étaient hier, Vahidin comme Marija deviennent tueurs d’élite. Snipers, si vous préférez. Chacun dans un camp, chacun l’œil rivé à la lunette du fusil, quand le monde « se résume au petit rond noir de la cible ». En ligne de mire il y a la mort, et la réussite d’Hatzfeld, un peu comme dans Une saison de machettes, est de montrer comment se banalise la violence. C’est en vain que ses deux protagonistes essaient de s’adapter ou de résister à cet enrôlement dans la guerre. Mais il y a engrenage : puisqu’ils y sont, ils en sont. Et comme le dit un des nombreux personnages croisés dans ce roman : « La guerre ouvre des parenthèses dans la vie des gens ».
Cette parenthèse offre une vision souvent saisissante de la lutte menée pied à pied par ces tueurs solitaires pour défendre une rue, un quartier, un immeuble. Là, dans cette circulation au milieu des décombres, on retrouve d’ailleurs l’œil du journaliste, Hatzfeld restituant avec justesse l’atmosphère de cette ville, devenue un « no man’s land ». Il faut prendre un peu de hauteur, pour le coup à bord d’un avion militaire, pour se rendre compte de l’apocalypse : « Les passagers, silencieux, ne quittèrent plus des yeux un spectacle de destructions à perte de vue, découvrant l’étendue des immeubles détruits de Sarajevo, les ruines de Stojcevac auxquelles succédaient dans la verdure des forêts les charpentes effondrées et noircies des villages de montagnes, puis les dévastations de la plaine aride de l’Herzégovine ». C’est dans la description de ce spectacle, de cette topographie torturée que Jean Hatzfeld affirme surtout son originalité. Métabolisant ses souvenirs de journaliste, l’ex-reporter livre une chronique réaliste d’un amour meurtri par la guerre. Il met dans le mille. En plein cœur de la cible.

Anthony Dufraisse

Robert Mitchum ne revient pas
Jean Hatzfeld
Gallimard, 233 pages, 17,90

Lignes de mire Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°147 , octobre 2013.
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