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Domaine français Tropismes

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Christine Plantec

L’attachement amoureux, ses élans, ses doutes : Emmanuelle Pagano décline en fragments ce qu’aimer comporte de paradoxal, d’éruptif.

Le retrouver, à chaque fois, c’est doucement délacer les ligaments de nos corps, dégrafer nos articulations. » En une phrase ou sur plusieurs pages, c’est d’amour dont nous parle Nouons-nous ; ce sentiment qui tient, qui lie les êtres peau à peau, ventre à ventre car dans l’univers d’Emmanuelle Pagano, le corps est toujours premier. C’est ainsi qu’en 284 fragments, un à un, des personnages prennent parole et disent les petits riens qui fondent la relation à l’autre, depuis la rencontre jusqu’à la rupture, dans un ordre qui ne respecte, heureusement pas, ce trajet. L’architecture de l’ouvrage est ailleurs, dans les soubresauts discrets du désir, du manque, des projections, des peurs. Les situations ricochent et dans leurs mouvements convoquent la situation suivante et ainsi de suite. Dans Nouons-nous, l’infra-amoureux est finalement tout sauf l’amour dont nous parlent les traités : il y déplie avec une minutie presque chirurgicale l’influence que l’autre exerce sur nous et génère de mouvements infimes et contradictoires.
De ces morceaux de vie à deux, ces choses vues, ces intuitions, ces éclats de réel émerge une grande lucidité, au point que ce qui est dit ou montré est comme un miroir tendu à notre insu sur ce que l’on n’avait pas vu, pas pu voir ou occulté. Ici cette femme qui dit « Je n’ai fait qu’observer, à la dérobée, l’homme d’à côté de ma vie  » ; là cet homme qui avoue « J’ai connu avec elle la sensation à bascule d’être presque heureux, au bord de l’ouverture, et la certitude qui l’accompagne : ça ne durera pas ». Des moments heureux aussi et d’une profonde poésie : « Il ne savait pas trop se servir de son portable, il me laissait des messages malgré lui dans lesquels, le plus souvent, je l’entendais marcher. Je les écoutais jusqu’au bout ». Enfin, la violence extrême de la relation lorsqu’elle se fait manipula-tion diabolique dans le récit de cette femme qui pour vivre avec l’homme qu’elle aime s’installe chez lui à son insu et à son retour lui fait croire que cela fait dix ans qu’ils vivent ensemble et qu’il devrait consulter pour amnésie. Ce qu’il fera ! Point de dérive extrême où l’attachement se fait dévoration.
Précisons également que la forme discontinue et éclatée de Nouons-nous offre une place de choix au lecteur. On se surprend, nous aussi, à ricocher, à poursuivre l’ouvrage au point que le texte pourrait alors ne jamais s’interrompre. Pourtant si le lecteur est le point aveugle du texte, il en est néanmoins, préexistant à tout projet, l’instance nécessaire sans laquelle aucun livre ne pourrait voir le jour. Aussi très belle est cette histoire de la femme d’un écrivain qui découvre à la mort de son mari que des lettres consignées dans une malle et qu’elle croyait destinées à une autre qu’elle-même ne sont, in fine, que le dispositif dont son mari avait besoin pour écrire : à savoir s’inventer un destinataire fictif, horizon de toute adresse, fut-elle littéraire.
On pourra alors voir derrière la forme impérative du titre, le souhait d’une expérience chorale qui excède le discours amoureux puisque c’est la condition de possibilité du dire qui s’inscrit, en premier lieu, dans toute la matière profondément vibratile de l’ouvrage. Le vivant y est permanent et se ramifie bien au-delà de l’espace du livre, à l’image de ces oiseaux qui à la toute fin, viennent se poser sur les mains d’un l’homme dessinant un arbre puis une forêt : paysage alentour et dessin du paysage se confondant en un chant magnifique. On repense alors à la clôture de L’Absence d’oiseaux d’eau (P.O.L, 2010) qui, inversement, s’achevait sur un profond silence et un aveu d’impuissance (« C’est juste une carte postale, juste un décor de livre ») face au manque de l’être aimé. On se dit – et c’est merveilleux d’en être le témoin – que peut-être l’écriture, avant d’être une affaire de mot, est peut-être davantage celle d’un désir demeuré intact.

Christine Plantec

Nouons-nous
d’Emmanuelle Pagano
P.O.L, 203 pages, 16

Tropismes Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
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