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Théâtre Quitter l’enfance

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Patrick Gay Bellile

Le conte de Peau d’âne se fait tendre et lumineux sous la plume d’Estelle Savasta.

Seule dans ma peau d’âne

Au début tout va très vite : « D’abord il y eut un roi. / D’abord il y eut une reine. / Il y eut de l’amour. / Et bien vite une enfant. » On ne peut pas dire les choses plus simplement. S’en suit une période de grand bonheur. La reine devient une mère, l’enfant devient l’infante, fille de roi. Le bonheur est partout, le matin, à midi, et surtout le soir, quand au moment du coucher éclatent les petits noms tendres : « Ma toute belle, ma bruyère, mon acrobate en chaussons, ma fée, ma funambule, mon ange sans oreille, mon fruit mûr, ma confiture… ». Le père est quelque part, bien sûr, mais il reste le roi et il n’en est point question. Jamais. Et puis la vie poursuit son chemin, la reine meurt brutalement et le roi réapparaît. Nous sommes bien dans un conte, un conte d’apprentissage, un conte de mise en garde ; Estelle Savasta en a gardé toute la fraîcheur, toute la poésie, à travers une langue simple, efficace, rapide, multipliant les images, et faisant surgir une grande sensualité dans les rapports mère-fille. Avec ses nombreuses répétitions, cette écriture très rythmique apparente le texte à une chanson. Comme une innocente comptine… Le narrateur garde l’essentiel de la parole, même s’il la confie de temps en temps à l’un ou l’autre des personnages. Et puis la mort est comme souvent dans les contes un point de départ, et une seconde partie démarre sur la demande faite au roi par la reine sur son lit de mort : « Il faudra l’aimer. » Et pourrait-on dire, c’est là que les ennuis commencent.
Car la petite fille a grandi. Elle ressemble à sa mère, et le roi, très amoureux de la mère, devient très amoureux de la fille, de sa fille, et veut l’épouser. Une petite cloche avertit celle-ci du danger, mais comment résister au roi quand on est si petite. Alors, après avoir tenté « de dire oui mais que cela devienne impossible ensuite », elle s’enfuit, vêtue de la peau de l’âne de son enfance, cet âne qu’elle a fait abattre, comme pour se défaire de cette part d’enfance dont elle voudrait sortir. Cet âne dont elle fut proclamée la jumelle car nés ensemble. Elle le fait abattre et en même temps se cache dans sa peau. Tiraillée entre le désir de grandir et l’envie de rester petite fille. Et il va falloir du temps et des larmes pour que la transformation réussisse, pour que la petite fille devienne femme. Du temps comme un chemin de découverte avec ses étapes : la découverte d’un cœur en colère, la vue du monde réel, loin des enjolivements de l’enfance : « C’était comme une fête foraine mais les manèges étaient cassés, les guimauves étaient tristes, les forains grossiers, les grandes roues ne montaient même pas haut et les pommes d’amour n’étaient même pas rouges ». Et puis le désir, désir des autres, désir d’être reconnue par les autres, désir de se faire une place dans ce monde, d’exister pour ce monde. Alors la décision est prise. L’infante sort de sa carapace d’âne, et s’en va l’affronter ce monde, « droite dans mes chaussettes ». L’auteur arrête l’histoire ici, bien avant la fin officielle du conte, la fin avec rencontre, mariage et vie heureuse. Elle l’arrête au moment où l’infante s’ouvre à la vie, où, débarrassée de sa peau d’âne, tout devient désormais possible.
Estelle Savasta a écrit une pièce très courte, mais qui dit beaucoup de choses, ou plutôt les laisse deviner. Il y a là un vrai plaisir de lecture et sûrement un grand plaisir d’écriture. L’écriture comme un jeu. Car si cette adaptation du conte Peau d’âne n’est pas la première, loin de là (souvenons-nous de Jacques Demy et de Delphine Seyrig, la marraine de Peau d’âne), elle adopte un mode narratif très vivant qui entre conte et théâtre décrit très bien le grand parcours qui va des émerveillements de l’enfance, aux difficultés d’être adulte, mais nous annonce l’entrée dans le monde comme un grand défi joyeux.

Patrick Gay-Bellile

Seule dans ma peau d’Âne
d’Estelle Savasta
Lansman, 36 pages, 9

Quitter l’enfance Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
LMDA papier n°148
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