Ce pourrait être l’œuvre d’un vieux routier du polar, endurci aux codes du genre – intrigue rudement ficelée, suspense savamment balancé, violence pile poil orchestrée. Trompeur ! Terminus Belz est un premier roman. À la mécanique implacable. Aussi charpenté que les meilleurs Thierry Jonquet, maître de la construction. Aussi finement écrit que les histoires « atmosphère atmosphère » de Georges Simenon.
N’en déplaisent aux Bonnets rouges, Emmanuel Grand n’est pas de leur terroir mais a choisi la Bretagne pour y tricoter une machination digne des folles croyances qui y courent encore, sur la lande sauvage ou dans les forêts profondes. Sans oublier ce qui fait la France d’aujourd’hui : la peur et la haine que suscite l’étranger, responsable de tous les maux.
Marko est un jeune type, un Ukrainien. Un clandestin, un sans papier. Il a à ses trousses la mafia roumaine et les flics de notre bon pays, et croit – l’innocent – pouvoir se cacher sur l’île de Belz, une île imaginaire mais pas tant que ça, au large de Lorient. Caradec, petit patron de pêche bougon comme il se doit, l’embauche, le prend même son aile. Ce qui n’enchante guère les marins du coin, le travail aux Français que diable ! Justement, l’Ankou, le serviteur de la mort, rôde dans les parages. Meurtre atroce sur la plage. L’assassin est tout désigné. S’en suivent des courses poursuites, des frayeurs, et de bons moments de solidarité.
S’il tient sans s’essouffler son intrigue, rythmer dialogues et images, Emmanuel Grand sait aussi capter l’esprit d’un lieu, en dire tous les tourments, toutes les beautés. Il se révèle portraitiste rigoureux, attentif, en se faisant complice de ses personnages. Il emmène tout son petit monde de forts en gueule, de durs à la tâche, de cœurs malmenés par la vie dans une histoire troublante.
Martine Laval
Terminus Belz
Emmanuel Grand
Liana Levi, 368 pages, 19 €
Domaine français Terminus Belz
janvier 2014 | Le Matricule des Anges n°149
| par
Martine Laval
Un livre
Par
Martine Laval
Le Matricule des Anges n°149
, janvier 2014.