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Poésie Mélodie boiteuse

janvier 2014 | Le Matricule des Anges n°149 | par Richard Blin

Mêlant époques et traditions, orient et occident, présent et passé, vie urbaine et exaltation épique, Pierre Vinclair réinvente le chant narratif.

Les Gestes impossibles

Bien que jeune – à 31 ans, il est le benjamin des auteurs publiés dans la collection Poésie/Flammarion – Pierre Vinclair n’en possède pas moins le sens de ce qui déporte et transporte loin des sentiers battus. Il a vécu à Kyôto, d’où il a ramené une reprise du Kojiki (Le Corridor bleu, 2011), le plus ancien texte japonais, ainsi qu’un conte en vers et prose, L’Empereur Hon-Seki (Le Corridor bleu, 2013). Auparavant, il avait séjourné en Écosse, et vit actuellement à Shanghaï, où il enseigne les lettres et la philosophie. Se déplacer sans cesse a un pouvoir lustral, lave et libère, donne du recul, prédispose à mieux lire le monde surtout quand on s’intéresse, comme c’est son cas, aux formes pré-modernes de la littérature, à celles qui mêlent le chant à la narration comme dans l’épopée. Déjà, dans Barbares (Flammarion, 2009) – un long poème en trois chants qui donnaient corps et voix aux forces et aux intensités plus ou moins sauvages qui présidèrent à la fondation de la communauté des hommes (voir Lmda N°109) – il renouait avec la très lointaine origine du poème épique, de la geste. Les Gestes impossibles prolonge, amplifie cette façon de faire parler le monde, inaugurée par cette première œuvre poétique.

Des vers brisés et tourmentés.

En dix chants traversés par l’onde de choc de la mort de dieu et du désenchantement s’élabore un art du discontinu, s’invente une sorte de réécriture de ces moments de l’Histoire universelle où le hasard, la violence et le mal se déchaînent. Dix séquences, donc, indépendantes les unes des autres où sont évoqués les ravages de la peste noire au Moyen Âge (« la guerre était à l’intérieur / les bubons / font le regard de dieu // les rats courent sous la peau des // étoiles immobiles »), les luttes fratricides qui menèrent à l’incendie de la cathédrale d’Elgin, en Écosse, à la fin du XIVe siècle, le sort des samouraïs dans le Japon médiéval, la Commune de Paris, les « révolutions imaginaires » qui fleurirent entre 1999 et 2009, le sort des civilisations et, pour finir, quelques instantanés de la vie quotidienne, à Tokyo et à Shanghaï.
Le tragique, le chaos, l’intensité qui l’emporte sur la mesure, la façon dont la violence s’articule à un type de relation au monde – « les noms se sont mêlés au sang / pour dire la vérité / et nous avons des morts plein la bouche » –, Pierre Vinclair les réinscrit dans une prosodie contemporaine. Chaque séquence a droit à son mode spécifique d’inscription du poème sur la page. Un art de la composition où les vers, les strophes, la disposition visuelle cherchent à marier émotions et forme, rigueur et beauté, rythme et enchaînement. Vers brisés, tourmentés – « des os s’élèvent dans la langue » –, longues laisses, blocs de prose construisent un livre à l’architecture iconoclaste et comme en gestation perpétuelle, démultipliant les effets de sens et soulignant la beauté secrète – mêlée de terreur et d’effroi – de ce Récit éparpillé qu’écrivent les voix des hommes et des femmes qui furent témoins, acteurs, victimes de cette part noire de l’humanité dont Vinclair cerne la monstruosité ou l’implacabilité. « Peut-on aimer ce qu’il y a ? ».
Des poèmes à prendre dans leur plein, leur matière vive, leur crudité, dans tout ce qu’ils saisissent d’une réalité dérangeante, tout ce qu’ils suggèrent du travail errant du sens. « De quoi pleure-t-on lorsque l’on pleure / ce que l’on nous révèle ». Un mélange d’archaïque et d’actuel, d’exaltation épique et d’inscription charnelle que le titre condense en la belle formule de gestes impossibles. Impossible au sens où il est la raison d’être de la littérature, de la poésie, dans son interrogation toujours recommencée du Réel, de ce que sont le monde et l’homme, le juste, le beau, le vrai, « l’âme dieu. tout ce qui nous / échappe. allongé / dans une chanson. dire encore ». Cette voix « qui caresse la peau / dans ta bouche » est une voix inspirée. Écoutons-la.

Richard Blin

Les Gestes impossibles
Pierre Vinclair
Flammarion, 168 pages, 17

Mélodie boiteuse Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°149 , janvier 2014.
LMDA PDF n°149
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