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Domaine français Le chaos, bientôt

février 2014 | Le Matricule des Anges n°150 | par Chloé Brendlé

Toujours plus loin vers les territoires de l’étrange et du terrible, les fictions de Bruce Bégout malmènent notre imaginaire contemporain.

L' Accumulation primitive de la noirceur

Parkings de nuit, ascenseurs de jour, banlieues sans fin, collèges en ruine, béton armé et friches industrielles, gratte-ciel et trappes souterraines, extension du domaine squattable et des capacités humaines de destruction : bienvenue dans l’enfer des lieux modernes et l’univers de Bruce Bégout. « Il me semble que l’origine du mal dont souffrent les Occidentaux consiste dans la difficulté d’admettre que le couronnement de l’existence ne consiste pas dans l’achat à crédit d’un pavillon de banlieue au style standard et à la finition bâclée devant lequel trônera, cachant le soleil, un panneau publicitaire géant faisant la promotion de gambas à 7€ le kilo. », dit le narrateur de l’une des nouvelles les plus réussies du recueil, « Chroniques mélancoliques d’un vendeur de roses ambulant ». Rêve ou cauchemar ? Au « Royaume de la Haie taillée », des bâtiments anonymes et des « hard-discounters » règnent les maniaques (collectionneurs, architectes, gardiens « suiveurs », fonctionnaires comptables) et survivent les parias (sans-papiers, chômeurs, travailleurs en sursis). C’est ce vivarium de reptiles en puissance et de victimes potentielles qui est l’objet de L’Accumulation primitive de la noirceur. Le livre oscille entre satire glaçante (miroir déformant de notre société à la fois pauvre et thésaurisatrice) et fable métaphysique, abstraite, borgésienne. C’est d’un côté ce casting sauvage mené dans une station d’épuration pour recruter de futurs employés ; de l’autre, c’est une cage posée sur des rails et chaque jour occupée par un animal plus anthropomorphe. Après la description d’un univers de fantaisie relevant à la fois du parc d’attraction et du camp de concentration (Le Park, 2010), Bruce Bégout poursuit son exploration de la violence contemporaine et sa mise en question de la société de consommation au croisement générique de la chronique, de la science-fiction et du film d’horreur.
Là où Marc Augé, Eric Chauvier ou encore Annie Ernaux (trois autres explorateurs des lieux et espaces de transition urbains) s’efforcent dans leurs œuvres respectives, en anthropologues de métier ou de circonstance, de restituer la trace humaine neutralisée par la technique et l’abstraction urbaine, Bruce Bégout semble au premier abord saper toute possibilité de sympathie. Son écriture a la froideur des maximes rationalistes qu’elle dénonce, et étouffe les sentiments, dans un régime instable de suggestion subtile et de cynisme volubile. On est proches des vies infâmes, et certaines nouvelles ne sont pas sans rappeler les plus inquiétantes de Roberto Bolaño. Comment s’en sortir pour le lecteur ? Par le rire, celui de la lucidité et de l’angoisse. Comment résister à la noirceur, du côté de l’auteur ? Bruce Bégout semble se portraiturer tantôt en résistant/terroriste, tantôt en écrivain des marges, lorsqu’il évoque par exemple l’écrivain bolivien Jaime Saenz : « Le macabre était pour lui l’instrument majeur de la contestation. Il pensait que l’évocation continuelle de la mort amenuisait la vie convenable de ses contemporains. Il voulait épouvanter. Affoler. Défier le despotisme tranquille de la rais-on. N’ayant pas à sa disposition immédiate ruines médiévales et caveaux insondables, il transfigurait mentalement les lieux modernes en architectures étranges. »
Noyauter le « Dispositif  », ou le seul mode de résistance en temps de capitalisme ? C’est la réponse d’Antoine Volodine et des « combattants » de son univers romanesque « post-exotique » ou post-apocalyptique. Non moins ambivalente est l’entreprise de Bruce Bégout : entre dénonciation et fascination, l’esthétisation de la noirceur est à double tranchant. Que reste-t-il pour la littérature ? Une forme souvent intrigante, quelquefois passionnante, encore en recherche, à aménager peut-être encore davantage entre l’essai et la fiction, mais sans conteste à creuser.


Chloé Brendlé

L’Accumulation primitive de la noirceur
Bruce Bégout
Allia, 256 pages, 15

Le chaos, bientôt Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°150 , février 2014.
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