À l’heure où le graphiste chinois Xu Bing publie Une histoire sans mots, un roman exclusivement composé d’icônettes (Grasset, 2013), la parution du dernier volume de la série consacrée à l’Histoire de l’écriture typographique intervient à point pour interroger un vecteur d’expression multiséculaire qui semble subir une mutation profonde depuis son inscription dans l’univers informatique : le caractère typographique. Présenté par Didier Barrière, qui a assisté récemment à la désintégration de l’Imprimerie nationale, le travail très largement illustré de Jacques André, linguiste spécialiste de la typographie numérique, et de Christian Laucou, éditeur et typographe à l’enseigne de Fornax, vient nous mettre sous les yeux ce qui, après la Révolution française est venu enrichir l’espace public et privé en matière d’images mécaniques, depuis la carte de visite jusqu’à l’encyclopédie en passant par les brimborions, les formulaires et les ouvrages courants, et jusqu’aux pages de la presse quotidienne qui se compose d’un nombre de signes colossal (au XIXe siècle un exemplaire du Figaro ouvert tient à peu près la place d’une petite toile de tente). Au-delà des techniques nouvelles que Jacques André et Christian Laucou détaillent avec beaucoup de soin, les pages de cet album offrent un voyage inédit à travers les esthétiques du livre et de la presse au cours du siècle qui, plus que tout autre, imprima « à tour de bras ».
Dans quel cadre prend place votre histoire de l’écriture typographique au XIXe siècle ?
Jacques André : Il y a une dizaine d’années, un imprimeur, Yves Perrousseaux, frappé par l’absence de livres récents sur l’histoire de la typographie, s’est lancé dans la rédaction d’un tel ouvrage. Il voulait à la fois être pédagogue, s’adresser aux chercheurs et aux amateurs, offrir un grand nombre d’images et de précisions techniques. Son travail a été plus long qu’il ne l’imaginait, et il est décédé en laissant trois ouvrages publiés qui couvraient la période allant de Gutenberg à la fin du XVIIIe siècle. L’éditeur nous a alors demandé de compléter cette série par ce tome sur le XIXe siècle. Nous avons essayé de le rédiger dans le même esprit, en étant toutefois un peu plus technique.
Christian Laucou : Oui. L’essentiel de cette partie technique m’est dû alors que l’essentiel de la partie historique est due à Jacques André, quoique notre collaboration ait été fondée sur l’échange des informations sur tous les sujets traités. Il est à noter que cette série d’ouvrages dont nous proposons le dernier volume, et non l’ultime, n’est pas une nouvelle resucée d’histoire de l’imprimerie mais une histoire de l’écriture typographique, de la lettre imprimée, de l’évolution de sa forme et de celle de sa technologie. Elle s’insère donc plus dans l’histoire de l’écriture que dans celle des techniques, bien qu’ici les sujets soient étroitement liés.
Quels sont les enjeux, au XIXe siècle, du typographe ?
Jacques...
Entretiens Des polices de caractère
juillet 2014 | Le Matricule des Anges n°155
| par
Éric Dussert
Un livre