Après un premier roman, La Tangente (Gallimard, 2009 – voir Lmda N°107), qui s’attachait aux pas d’une héroïne prise au piège des mécanismes de l’illusion, c’est aux formes de l’absence à soi et aux autres qu’Amina Danton consacre son nouveau roman. Il commence par l’évocation de la vie d’Aurore, qui s’est retirée dans une maison de bord de mer pour mieux se consacrer à sa passion pour la peinture. Elle est l’épouse, depuis l’âge de 17 ans, d’un architecte renommé que son travail oblige à de longues et régulières absences. Un amour démesuré, qui ne fait aucun bruit, et qui dure depuis vingt ans. Mise de côté par la bonne société à laquelle appartient son mari, Aurore ne vit que pour ce grand amour sur fond de solitude et de silence. Placée à 7 ans dans une famille d’accueil, puis orpheline à 9 ans, elle a vécu en foyer, avant d’être, elle qui avait tout perdu en perdant son père, « cueillie au passage, par quelqu’un qui vous regarde pour la première fois ». Un de ces amours qui se décident sur-le-champ, avec un caractère d’évidence aveuglante. Mais un assassinat dans une villa voisine va l’obliger à sortir de sa solitude, avant qu’une hésitation dans la voix de son mari, un soir, ne vienne peu à peu enrayer le cours de son existence.
Usant d’une esthétique mêlant celle du film et du songe, et au fil de sautes de temps et de lieux, Amina Danton donne corps aux jeux troubles des apparences et des reflets, montre comment le souvenir d’un après-midi vieux de quinze ans va progressivement enclencher un lent désinvestissement et conduire Aurore à constater qu’elle n’aura été que le rêve de son mari. « J’ai aimé être ce rêve plus que moi-même. C’est ce rêve que je survole à présent. » Le récit d’un désancrage, d’une forme d’identité blanche d’où ne surnage que le sentiment qui liait Aurore à son père, ce témoin sans voix du grand balancement dialectique de l’absence et de la présence autour duquel s’est enroulée sa vie, avant de la laisser sans route ni but.
Richard Blin
Aurore disparaît,
d’Amina Danton
Mercure de France, 208 pages, 17 €
Domaine français Aurore disparaît
juillet 2014 | Le Matricule des Anges n°155
| par
Richard Blin
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Richard Blin
Le Matricule des Anges n°155
, juillet 2014.