LA SAISON DES BIJOUX
D’ERIC HOLDER
Seuil, 312 pages, 18,50 e
Quand il nous plante au cœur du village de Carri, cité balnéaire du Médoc, au seuil de l’été, c’est comme si Éric Holder nous donnait les clés d’un monde aussi proche qu’ignoré. Un quatuor arrive là pour y faire une saison de camelots, ils vendent des bijoux, on les appellera les Bijoux. On découvre, avec eux, Carri où le paradis côtoie l’enfer, ce monde codé et bigarré des camelots et comme il s’agit d’un roman, Holder y glisse une intrigue. Sur le marché de Carri règne un limonadier mafieux qui prend son impôt personnel sur chaque étal. Son œil de rapace accroche la silhouette de Jeanne qui débarque donc avec Bruno, son homme, pour vendre ses bijoux. La brute promet qu’il tiendra sous lui le corps de la belle. Les cartes de la tragédie sont distribuées. Mais Holder s’attache plus à faire le portrait des camelots, à dresser la carte d’un lieu, à effeuiller la saison qu’à l’intrigue qu’il a amorcée. On ne lui en veut pas, c’est là qu’il excelle. Toutefois, le roman s’ensable. Car l’auteur, tel ses camelots, veut à chaque phrase nous vendre, non pas son roman, mais ses personnages et la promesse d’un lieu où l’idylle est possible. La phrase est forcée, veut sans cesse séduire ou éblouir. C’est comme si Holder voulait d’abord se convaincre que l’amitié, l’amour, l’harmonie entre les hommes est possible. Ou comme s’il doutait de sa capacité à rendre palpable l’univers qu’il fait naître. Il est comme un nageur qui, pris dans le courant d’une baïne, tente de revenir vers le rivage. Alors que son talent, sa vista lui permettraient de surfer sur n’importe quelle vague. Un écrivain de sa qualité ne devrait pas avoir à (se) prouver qu’il a du style. Ils ne le lui ont pas dit au Seuil ?
T. G.
Domaine français La saison des bijoux
septembre 2015 | Le Matricule des Anges n°166
| par
Thierry Guichard
Un livre
La saison des bijoux
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°166
, septembre 2015.