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Poésie Lents inserts

octobre 2015 | Le Matricule des Anges n°167 | par Emmanuel Laugier

Avec Cinéma du présent, Lisa Robertson construit, selon une logique de phrases-vers différées et répétées, un livre d’adresses aporétiques. Tourbillonnant.

Poet-in-residence à la prestigieuse université UC Berkeley, et grande lectrice d’Émile Benveniste (qui ouvre Cinéma du présent), Lisa Robertson utilise les mots du linguiste pour définir ce livre de voix et de sons, de matières aussi palpables que non-figuratives : « Et d’ailleurs il faut réserver les chances de trouvailles toujours possibles sur ce vaste domaine où l’enquête n’a pas été systématiquement poursuivie ». Le programme, comme enquête, aussi savant que laissé à ses dérives empiriques, nous le verrons, naît et pousse par le milieu, comme le disait Gilles Deleuze de la logique de prolifération du rhizome : le livre, écrit son traducteur, n’a suivi comme seule contrainte que celle de « faire grandir le texte par le milieu. D’un bout à l’autre de son écriture, le livre a donc été construit par interruptions. (…) vu le défilement des lignes, on pourrait aussi bien (les) considérer comme un « plan », au sens cinématographique du terme. »
Cinéma du présent pourrait s’apparenter à une liasse de phrases-vers (d’une à deux lignes) dont la numérotation ne suit pas l’ordre de succession de la lecture, ni celle du calcul. Toute la difficulté serait de lire ce Cinéma en imaginant le passage de ses phrases (du romain à l’italique) non comme une simple succession, mais comme un empilement dynamique de nuances adressées à un interlocuteur lointain, supposé mais absenté, attendu et imaginable, ouvert à tout. L’entrelacement de phrases dialoguant selon une logique non-euclidienne, le mouvement de personnages allant selon un ordre inépuisable de mouvements d’un angle à l’autre d’un carré (on peut penser ici au Quad de Beckett), appellent chacun à une autre projection de la lecture, comme si le cinéma expérimental de Jonas Mekas était rentré, en la hachant, dans une masse de phrases laissées en paquets ; ou comme si les voix off de La Jetée (de Chris Marker) n’avaient jamais cessé de proliférer et de se dire en même temps. Telle est la fascination à laquelle conduit le livre de Lisa Robertson, sans que pourtant, l’ouvrant d’abord, on n’en puisse imaginer le tourbillon de phalènes. Et pourtant, écoutons ce que cet empilement d’insert lents et ultrarapides, sorte de successions d’états civils, de faits, de propositions, de projets abstraits, offre à son lecteur : « Tu as voulu dire quelque chose de neuf sur l’espace et les forêts.// Seule la rime te transforme.// Tu es provisoire et indifférente aux rouages de la féminité.// Seulement toi.// Tu es folle amoureuse des arbres.// Si je veux pleurer c’est parce que je ne suis pas pessimiste, as-tu dit. », ou encore, plus loin, « Tu as transféré ton existence dans une possibilité.// Au début tu ne veux que ce surplus de palpable.// Tu as travaillé avec une grande fidélité envers les documents.// Mais ta théorie du repos commence à l’horizon.// Tu as traversé gaillardement des trottoirs déserts, les poings dans les poches. »
Tout un brouillon général oscille entre des choses nommées et une invraisemblable convocation de « tu », genré au son d’un « her  » nous est-il dit, mais comme élargi au même moment à la déclinaison d’un « you », véritable « souvenir ou fantôme d’un être ». L’un n’empêchant pas l’autre d’être renversé en ce « Moi, byronienne, as-tu dit, c’est en baisant que j’ai avancé.  » La phrase-ligne-féminine et poème de Lisa Robertson devient ainsi un lieu de remémoration du multiple, proche de la monade de Leibniz qui est une « substance inétendue, imperméable à toute action du dehors, mais subissant des changements internes ». C’est ainsi qu’elle ouvre un paysage brossé de vents, ou dessine un enlacement de branches lovées par des vents furieux ; et que sa puissance, discrète, s’offre, comme toujours à sa nouvelle adresse.
Emmanuel Laugier

CinÉma du prÉsent
De Lisa Robertson
Traduit de l’anglais (Canada) et postfacé par Pascal Poyet, Théâtre Typographique, 94 p., 15

Lents inserts Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°167 , octobre 2015.
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