Conformément à l’un de ses titres, cette nouvelle apparition d’Angela Carter (1940-1992) dans la langue française est encore un Théâtre des perceptions. Que se passe-t-il dans cette ville où sévit le Dr Hoffman, sinon des salves d’hallucinations ? Ce dernier en effet « modifiait la nature de la réalité ». Seul ou presque, le héros, Desiderio, saura ne pas perdre pied parmi le « chaos ».
C’est à une entreprise mémorielle que se livre le narrateur, immunisé on ne sait pourquoi : « J’ai survécu parce que je ne m’abandonnais pas au flux des images ». Sous l’égide du Ministère de la Détermination, Desiderio lutte contre les « machines à désir infernales » de ce Dr Hoffman (il fait penser au romantique allemand du XIXe siècle) qui offre à chacun la vision de ses fantasmes : l’opéra est empli de paons, les tableaux éjectent leurs personnages. La ville alors se change en « panique orgiaque », en « règne arbitraire du rêve ». Là où les pigeons « roucoulaient du Hegel », il est nécessaire de soumettre chaque chose au « test de réalité ». La lutte archétypale entre le Bien et le Mal se double de celle du rêve et de la réalité, jusqu’à ce que les secrets du Dr Hoffman, au laboratoire érotique de son « palais wagnérien », soient à la merci de la quête de Desiderio, amant passionné de sa fille, qu’il tuera…
Ce roman d’amour et de mort, dédié à la « femme ineffable » nommée Albertina, outrageusement surréaliste, kaléidoscopique et furieusement coloré, notablement associé au réalisme magique féministe par les critiques anglo-saxons, comblera le lecteur avide d’images incongrues, de surprises métaphoriques, de métamorphoses, de poisons et sucreries cultivés, en d’autres mots : d’aventure et de merveilleux de haute volée.
Thierry Guinhut
LES MACHINES À DÉSIR INFERNALES DU DR HOFFMAN
D’ANGELA CARTER
Traduit de l’anglais par Maxime Berrée, L’Ogre, 368 pages, 23 e
Domaine étranger Les Machines à désir infernales du docteur Hoffman
janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°169
, janvier 2016.