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Poésie Parole d’exil

janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169 | par Emmanuelle Rodrigues

Cette belle édition bilingue des poèmes d’Hannah Arendt met en lumière la part secrète de la philosophe, cette langue du cœur, tantôt mélancolique, tantôt sereine.

De 1924 à 1961, Hannah Arendt consigne nombre de textes et d’aphorismes poétiques dans ses carnets, ses papiers personnels, ou encore sa correspondance. C’est en effet dans les archives de la New School Of Social Research de New York que l’éditrice, Karin Biro, est allée collecter les inédits qui paraissent aujourd’hui, et dont une partie fut publiée en 2002 dans les pages du Journal de pensée. D’autres de ces « poèmes de pensée » d’Hannah Arendt figuraient également dans la biographie qu’Élizabeth Young Bruehl lui consacra en 2004. Si la pensée politique de la théoricienne s’est exprimée en anglais, c’est dans sa langue maternelle, l’allemand, qu’elle conçut ses poèmes. Leur floraison qui se constitue comme une activité phare tout au long de son existence, prend sa source dans l’admiration qu’elle voue dès sa jeunesse à Hölderlin, Heine, Rilke… Deux langues traversent ainsi sa vie, et correspondent l’une et l’autre à deux périodes différentes de son parcours marqué par l’exil. Elle quitte l’Allemagne en 1933, puis la France pour les États-Unis, où elle s’installe définitivement en 1941. Son « Heimatlosigkeit », son « être sans patrie », l’incite à renaître à elle-même, mais aussi à engager toute une réflexion sur le rôle de la poésie, amorcée dans son essai, La Condition de l’homme moderne.
Toute de gravité, la note qui s’exprime dès sa jeunesse, fait poindre une tonalité mélancolique. Peu à peu, la voix d’Hannah s’en délivre, comme par un travail de distanciation, et fait entendre une forme de plénitude. Regroupés par périodes et par thèmes, ces poèmes étonnent par leur efficacité, l’essentiel y est dit en quelques vers. Les textes de jeunesse usent d’éloquence, et soulignent les expériences douloureuses que représentent le deuil, l’exil, la perte d’amis chers, telle celle de Walter Benjamin, ou la rupture amoureuse d’avec Heidegger. En revanche, ceux de la période américaine affirment une force intérieure, une foi en la vie. La parole qui prend le dessus, n’élude ni les souffrances ni les contradictions de l’expérience vécue mais elle en devient opérante : « Hermétiquement le poème concentre, / Protège le cœur des sentiments adverses. / La coque, quand le noyau perce, / Montre au monde un intérieur condensé. » Tel est l’exercice qui en regard du travail intellectuel, a tenu une place de choix dans sa vie, représentant alors une véritable expérience de pensée. Peu d’éléments biographiques viennent s’immiscer là. L’accent est mis avant tout sur le temps, la mort, le bonheur, mais avec le souci constant porté à la connaissance de soi, du monde et d’autrui. La parole du poète, nous dit-elle, est témoignage : « La fable écrite par lui / est demeure et non refuge  ». C’est donc cette reconquête d’un tout autre destin que le moi lyrique laisse espérer. Ce que l’écriture du poème condense de par la concision à laquelle il se prête, se rapporte à nos expériences sensibles, comme à celles que la nécessité nous fait traverser. Une double inspiration anime cette recherche de vérité : l’une prenant sa source dans la philosophie antique, l’autre imprégnée de modernité critique.
De par leur classicisme, les mots d’Hannah Arendt n’en acquièrent pas moins une forme de beauté et, laissent parfois fuser la grâce, qu’elle émane d’un paysage ou naisse d’une vision heureuse du monde. De la théorie des couleurs de Goethe, elle ravive en quelques vers le principe d’harmonie : « l’obscurité luit autant que la clarté- / Du ciel une arche rayonne, / Notre œil, notre monde. »
E. Rodrigues

HEUREUX CELUI QUI N’A PAS DE PATRIE
De Hannah Arendt
Traduit de l’allemand par François Matthieu
Édition établie, annotée et présentée par Karin Biro, Payot, 240 pages, 20

Parole d’exil Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°169 , janvier 2016.
LMDA papier n°169
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