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Domaine français Sang noir

février 2016 | Le Matricule des Anges n°170 | par Richard Blin

En s’intéressant à la chasse, autrement dit à la place dévolue au sauvage dans notre société, Éric Pessan montre la prégnance de ce qui ne vaut que d’échapper.

Relation archaïque à de l’archaïque, la chasse relève de la poursuite de la vie jusque dans la mort. Fondée sur le versement du sang, elle a longtemps fait partie – avec la guerre – de ces données de la vie immédiate qui caractérisent le Réel. Si cette vieille relation à la nature paraît difficilement admissible dans les univers urbains d’aujourd’hui – pour lesquels la nature est tout au plus un décor –, elle perdure cependant sous la forme de l’appel du Sauvage et de tout ce qui, chez l’homme, relève de l’animalité : la peur, la survie, la force brutale, la ruse, la rivalité… C’est la richesse obscure et quasi mythique de ces liturgies de l’en deçà qui forme la trame des récits d’Éric Pessan, depuis les départs d’avant l’aube jusqu’au dépeçage du gibier en passant par l’exaltation de la poursuite, la tension, l’acuité, le danger et le risque de perdition dans l’épaisseur des bois.
Tolérée aux lisières des espaces civilisés, la vraie chasse a pour royaume la forêt, ce monde opaque, lieu de tous les dépaysements, de tous les enchantements, de toutes les terreurs. « Le silence est rongé par des frôlements et des appels discrets. » « Des craquements racontent des histoires de luttes, de fuites, d’accouplements. » Le corps peut s’y fondre, glisser dans les taillis à hauteur de bête, s’y perdre aussi. Pour l’un, il l’avoue, « marcher dans la forêt me révèle des choses sur moi-même »  ; pour un autre, qui s’est endormi homme et réveillé gibier, elle devient un lieu « compartimenté par des milliers de clôtures invisibles », divisé en territoires privés délimités par des odeurs. Aimer la chasse, la pratiquer, c’est frayer aux confins de la frontière séparant l’humanité de l’animalité. C’est arpenter des espaces où se fondent des signes intelligibles mais aussi de l’inconnaissable. D’où la nécessité de développer une forme de connaissance intuitive parallèlement à la maîtrise de ses mouvements, à la capacité à reconnaître des odeurs, à déceler un changement de vent, à percevoir un cri.
Des cabanes et des souvenirs d’enfance (le pressentiment que la chasse est une cérémonie ancestrale – « une chose dont le retour joyeux – l’apéro et le partage des viandes – ne rend pas compte » ou le premier fusil tenu en mains, et en cachette, entre frémissements de peur et frissons d’excitation…) aux évocations de l’Homme des bois, des figures réincarnées de saint Hubert ou de Diane – chassant seule, armée de son seul arc, et à l’approche contre le vent – en passant par les adeptes des battues, de l’affût ou de la traque, c’est à la fois tout ce qui permet à l’homme de se plonger avec ivresse dans sa condition « d’être pour la mort », et tout ce qui rend contiguës la passion pour la chasse et la pulsion sexuelle, que cernent les récits de La Hante, un terme de vieux français désignant aussi bien le lieu où l’on vit que « l’endroit pour les bêtes ». C’est que « la forêt, la marche, la traque, la fatigue, la lutte, tout cela finit par faire naître un violent désir érotique », reconnaît Diane, l’héroïne du récit du même nom. Et si la Déesse, l’Archère mythique, la Maîtresse du Sauvage – ajoute-t-elle – a été vue par Actéon, c’est qu’elle l’avait certainement désirée. « L’érotique des forêts rendait Diane perverse : elle appelait ce qu’elle rejetait. » Comme quoi la forêt peut révéler certaines dimensions cachées de la conscience. Réveillé par la mise en jeu des facultés sensitives suraiguisées que nécessite la chasse, notre corps sauvage retrouve une conscience aiguë du désir et de notre finitude. C’est toute la force des scènes et des motifs que développent les récits d’Éric Pessan, qui n’impose rien, mais organise des suites d’impressions et de sensations.
Richard Blin

LA HANTE D’ÉRIC PESSAN
avec des dessins de Patricia Cartereau,
L’Atelier contemporain, 176 pages, 25 e

Sang noir Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°170 , février 2016.
LMDA PDF n°170
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