Cinq personnages : trois garçons et deux filles, puis trois hommes et deux femmes et pour finir trois vieux et deux vieilles. Les mêmes. Ils traversent la vie à toute allure, poursuivis par une question lancinante : « Moi, je suis qui, moi ? » École, boulot, bistrot, ces cinq-là mettent en pièces tout ce à quoi ils touchent, à la manière des clowns. C’est un théâtre de l’absurde, excessif, bouffon, proche parfois de celui de Ionesco, autre Roumain décalé. Par le non-sens et le grotesque, Visniec attaque en force l’imbécillité et l’ineptie des comportements humains, mais aussi le bourrage des crânes. Ainsi d’un cours de mathématiques particulièrement réjouissant : « Car si on avait deux hauteurs dans un triangle rectangle à deux hypoténuses et quatre cathètes, eh bien les deux hauteurs devraient tomber perpendiculairement sur la même base. » Et cela se poursuit au travail où entre des séquences au téléphone les protagonistes cherchent l’âme sœur et pour cela « se vaporisent la bouche et s’embrassent longuement ». Et pour finir c’est bien sûr au bistrot que les vieux étalent leur bêtise et leur vacuité entre un petit gaillac et un Cinzano, tout en essayant d’attraper les fesses des vieilles, outragées pour la forme.
Écrite il y a vingt ans, cette pièce, revue pour l’occasion par Visniec, fait l’objet d’une nouvelle édition à l’occasion de sa reprise au Festival d’Avignon. Véritable parcours du combattant pour les cinq comédiens qui interprètent tous les rôles y compris les personnages imaginaires comme les professeurs d’école ou les patrons d’entreprise, l’écriture mêle les répétitions sans fin, les discours absurdes et les polyphonies vocales pour un ensemble pétaradant et jouissif, une manière joyeuse de dynamiter le monde.
P. G.-B.
Les Partitions frauduleuses
de Matei Visniec
Lanzman, 60 pages, 10 €
Théâtre Les Parutions frauduleuses
septembre 2016 | Le Matricule des Anges n°176
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°176
, septembre 2016.