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Histoire littéraire Images du passé

janvier 2017 | Le Matricule des Anges n°179 | par Didier Garcia

En plein pays du Gévaudan, Alexandre Vialatte (1901-1971) retrouve des éclats d’enfance, mêlés à d’inquiétants souvenirs de guerre.

La Dame du Job

Contemporain de La Maison du joueur de flûte, La Dame du Job s’inscrit entre Le Fidèle Berger (1942), merveille romanesque qui gagnerait à être rééditée, et le chef-d’œuvre qu’est Les Fruits du Congo (1951). Un livre sur lequel Vialatte lui-même n’a jamais posé un regard très bienveillant, comme en témoigne ce jugement très sévère adressé à l’ami Henri Pourrat : « c’est trop conçu en décorateur (…) et non en peintre ».
Cette énième publication posthume (1987, Arléa, pour la première édition) présente un récit bicéphale, fait de deux parties que tout oppose, et qui s’excluent l’une l’autre plus qu’elles ne se complètent. La première, « L’école du vertige », est consacrée à l’univers magique de l’enfance ; la seconde, « Le champ de tir », propulse le lecteur sur le front, dans ce « carnaval mélancolique » qu’est la guerre.
C’est dans le premier volet que l’on trouve le Vialatte le plus attachant, dans ces fragments d’enfance ou d’adolescence mis bout à bout on ne sait trop comment, compilés sans véritable souci de composition, mais chacun brillant d’un éclat singulier. On a l’impression de plonger dans une sorte de « grand journal illustré, peint d’images vivement coloriées ». Son personnage principal est une dame, mais pas « une dame en viande »  : « une reine en papier » qui fume une cigarette sur un calendrier de la marque JOB, pendu à un des murs d’une auberge perdue sur un plateau auvergnat (car, bien entendu, nous nous trouvons encore dans cette Auvergne chère à Vialatte – un Hôtel littéraire Alexandre Vialatte de 62 chambres vient d’ailleurs d’ouvrir ses portes à Clermont-Ferrand !). Une figure féminine idéale pour les rêves des jeunes garçons qui peuplent ces pages puisqu’elle se prête à tous les fantasmes.
Vue par Vialatte, l’enfance est belle (la Première Guerre mondiale a fauché la sienne comme celle de tant d’autres) : elle a la beauté des choses que l’on a perdues. C’est un monde plein de magie, merveilleux, digne des plus beaux contes de fées. Le piano y est beaucoup plus qu’un simple instrument de musique : « une pièce interdite, pleine de tabous et de ténèbres ». Et la montagne elle-même, avec ses mystères et ses ombres inaccessibles, devient « une sorte de terre promise et de fruit défendu, liée à d’énigmatiques merveilles ». Sans oublier les mots eux-mêmes, qui en imposent parce qu’on ignore ce qu’ils désignent exactement et qu’ils sonnent à ces jeunes oreilles ainsi que des mantras. Quelque chose comme « des mots de passe, des mots trop beaux pour le langage humain, qu’on avait dû faire pour le plaisir, comme nous en faisions nous-mêmes en mélangeant les syllabes au hasard ». Des mots tels qu’« organdi, macramé, shirting, madapolam »…
Qu’on ne s’y trompe pas : ce diptyque, qui se lance à « la découverte du monde », n’a rien d’un fond de tiroir. On a presque tout Vialatte dans ce court volume. Jusqu’à celui des chroniques parues dans le journal auvergnat La Montagne, avec ce style reconnaissable entre mille : « Elle avait l’air d’une vache célèbre, d’une vache de version latine ». À la méditation poétique du premier volet répond l’univers inquiétant du second, qui rappelle les meilleures pages du Fidèle Berger. Et l’on y trouve de ces formules heureuses dont Vialatte avait le secret, à l’image de ces lignes qui tentent d’évoquer des falaises de la Haute-Loire : « Elles n’étaient pas blanches, puisqu’elles étaient roses ; elles n’étaient pas roses puisqu’elles étaient dorées ; elles avaient une couleur qui ne peut pas se dire, une couleur au-delà de la couleur, comme les choses du paradis. » Un récit qui contient même sa propre défense : « L’important n’est pas ce qui se passe, mais la façon dont ce qui se passe s’imprime en nous. »

Didier Garcia

La Dame du Job, d’Alexandre Vialatte
Le Dilettante, 192 pages, 17e

Images du passé Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°179 , janvier 2017.
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