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Égarés, oubliés Marie de la colline

janvier 2017 | Le Matricule des Anges n°179 | par Éric Dussert

Incarnation de sa région, Marie Mauron l’institutrice a connu une carrière remarquable, au point d’être surnommée la « Colette de Provence ».

Roumanille ! Peut-on imaginer patronyme plus provençal que Roumanille ? Et peut-on imaginer destinée plus littéraire que celle de Marie-Antoinette Roumanille ? Elle naît le 5 avril 1896 à Saint-Rémy-de-Provence. Elle était destinée à être une incarnation de ce pays d’olivettes et de romarin, de soleil, de senteurs et d’accent. Son père, formidable conteur descendant d’une lignée de paysans, lui lègue son talent. Il est un cousin éloigné de Mistral. Elle va devenir une poète et romancière aussi célèbre qu’Antonine Maillet qui brilla avec Pélagie-la-Charrette (Grasset, 1979) ou que l’Inès Cagnati de Génie la folle (Denoël, 1976).
Jusqu’en 1916, elle suit ses études à Marseille et à Aix-en-Provence et devient institutrice, profession qu’elle exercera aux Baux et à Saint-Rémy jusqu’à sa démission en 1941. En 1919, elle épouse le critique et traducteur Charles Mauron (1899-1966), qui accueille à leur domicile de Saint-Rémy le groupe de Bloomsbury dont il traduit certaines œuvres, en particulier Flush et Orlando de Virginia Woolf, plusieurs romans d’E. M. Forster, et puis Tristram Shandy ou Les Sept Piliers de la sagesse de Lawrence d’Arabie. Marie, elle, devient la « Colette de Provence ». Dans ces années-là ce n’est pas rien.
D’abord, elle tient un journal de mairie à Mas-Blanc-des-Alpilles dont elle est secrétaire, puis elle publie un roman, Mount Peacock, traduit en anglais en 1934 et publié en France trois ans plus tard par Denoël sous le nom de Mont-Paon, ou « Messieurs et chers administrés… » Souvenirs… « Moi, campagnarde arrivée de mon autre monde, j’étais à Paris où sortait mon premier livre. Un dimanche matin, devant l’église de Saint-Germain-des-Près, parmi la foule et criant plus fort qu’elle, des jeunes gens très distingués distribuaient, mieux : imposaient à tous des journaux fulminants d’extrême-droite. On m’en fourra un dans les mains que je repoussai et rendis avec un NON catégorique. Alors ce fut une bordée d’injures et, à cause de mon teint brun, de mes cheveux, noirs à l’époque comme ma robe de grand deuil, sans doute aussi à cause de mon air certain d’étrangère ». Pleine d’enseignements, c’est la première étape d’une carrière qui comptera près de soixante marches. De Saint-Paon, village imaginaire des Alpilles, elle raconte les habitants et leurs mœurs, attachée à décrire le pays qu’elle aime et illustrera toute sa vie. « On peut élargir les débats et les visions, on est toujours de son pays, c’est ce que j’appelle le bon régionalisme », disait-elle dans ses souvenirs, Ces lointains si présents (Plon, 1979). En 1949, elle divorce et poursuit sa carrière. « Comme tous les matins, sous le ciel neuf, clair ou brouillé, fût-il furieux de vent, torride de soleil, maussade de pluie, magique de gel, j’ai commencé ma journée de travail en faisant le tour du jardin-pinède-colline-garrigue-verger, car il est tout cela, bien qu’il soit minuscule en fait. Oui, tout cela puisque, peu scrupuleux, hypocritement sans clôture, il glisse au communal. Là, le ravin qui roule ses cailloux, ses tessons grecs, romains, ligures, préhistoriques et quoi encore ? est tout à moi, comme à l’insecte et à l’oiseau, comme au thym et à la sarriette, comme, parfois, précisément, au chercheur de tessons ou au braconnier lève-tôt ».
Entourée de l’amitié de l’imprimeur Louis Jou, des félibres, d’André Suarès, des peintres René Seyssaud ou Albert Gleizes, de Charles Vildrac, du musicien Pablo Casals, elle a publié Le Quartier Mortisson (Plon, 1941), Le Sel des pierres (Robert Laffont, 1942) et deux ouvrages dans la collection animalière des éditions Albin Michel où Francis de Miomandre donne son Caméléon : La Chèvre, ce caprice vivant (1947) et Le Taureau, ce dieu qui combat (1949). Elle donne en 1966 Les Rocassiers à Robert Morel qui en fait un succès. Trois ans plus tard, elle est nommée majoral du Félibrige.
Au terme de sa vie et au retour d’un voyage en roulotte du côté de la montagne de Lure, dans les Alpes-de-Haute-Provence, avec ses « mains de santonnière » qui n’ont jamais cessé de décrire sa terre, elle apprend encore : « La dernière leçon, la plus pure et la plus sévère, fut, bien entendu, celle de la Route. Ainsi se gradue tout enseignement. D’abord nous échappèrent les cinquante béliers, révoltés de n’avoir connu pour nuit d’amour que la dernière et je sus ce que pouvait être la révolte massive d’une troupe ». Comme elle dédiait ses Rocassiers, son œuvre était toute vouée à ses « amis de la colline ». Giono n’était pas loin. Jean Ferrat non plus, avec ces « jeunes d’aujourd’hui (qui) n’aiment plus la montagne. Son travail pénible, fait à la main, ne leur rapporte pas assez. Mais au fait, qu’est-ce qu’ils aiment ? Siffroy ne le sait plus et il secoue la tête comme les vieux, les sages pour se convaincre que, n’importe… Voilà pourquoi sa main retombe, et le sécateur inutile ».

Éric Dussert

Marie de la colline Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°179 , janvier 2017.
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