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janvier 2017 | Le Matricule des Anges n°179 | par Pierre Mondot

Le livre, avant que le président ne renonce officiellement à un second tour de pédalo, approchait une forme de consécration pour le genre : on ne le dési-gnait plus par son titre mais du nom de ses auteurs. Comme on disposait pour la conjugaison du Bescherelle, pour les lois du Dalloz, on mesurerait désormais le quinquennat à l’aune du Davélom.
Sa parution provoqua la désapprobation unanime de la classe politique. Difficile pourtant de cerner la cause exacte d’une si violente affliction. La critique semblait en réalité se porter non sur le contenu du bouquin mais sur son existence même : on se scandalisait que le chef de l’État ait passé tant de temps à s’épancher face à la presse.
Le livre refermé, ce n’est plus le temps passé avec les journalistes qui nous paraît blâmable, mais le temps passé avec ces deux-là.
On trouve dans les dernières pages d’« Un président ne devrait pas dire ça… » un lien vers le site internet des auteurs : le couple y apparaît posant dos à dos sur un fond noir, vêtu de costumes sombres, le regard dur. Ce cliché nous éclaire sur la mythologie du journalisme à laquelle se rattache le duo : celle du Watergate et des complots d’État, des politiciens véreux et des gorges profondes. Les incorruptibles. Les enquêteurs paranoïaques de l’école Plenel, dont la haute déontologie prohibe toute empathie avec le « sujet d’étude » : « même si à l’occasion il n’a pas pu s’empêcher de lâcher quelques saillies drolatiques, nous n’avons jamais plaisanté ensemble ». Leur conscience s’assouplit un peu au moment d’ouvrir le vin que leur porte le président : « un grand Saint-Estèphe ».
Plus qu’à Woodward et Bernstein, c’est aux deux Dupondt que l’on songe lorsque ces deux soupçonneux nous exposent leur méthode : « le “faire parler”, vraiment, ce qui ne fut pas toujours une partie de plaisir (…), le bousculer même, lorsque nous avions le sentiment qu’il tentait d’esquiver nos questions… » – on imagine ainsi Davet braquant au visage du chef de l’État la lumière crue d’une lampe de bureau, tandis qu’à ses côtés Lhomme caresse une pile d’annuaires d’un air menaçant.
Il faut reconnaître que la mandature précédente les combla. Avec Sarkozy auquel ils consacrèrent deux volumes, ils connurent les planques et les filatures, les rendez-vous secrets, les écoutes (et les froids réveils sous la tente). Avec Hollande, rien de tout cela. L’homme est sans secrets, l’Élysée sans cabinet noir. Pas plus d’arrière-pensées que d’arrière-boutique.
Les deux larrons s’ennuient ferme. Cahuzac ? Les petites combines précédant les remaniements ? Avec Hollande, tout se sait déjà dans l’heure, scène et coulisse se confondent. Le président manifeste pour les plumitifs le même appétit qu’autrefois Chirac pour la tête de veau. Reste Julie Gayet. Le duo respire, même s’il feint de se pincer le nez : « Nous voici contraints de demander au président depuis combien de temps, et à quelle fréquence, il retrouve sa maîtresse. » (et à nouveau on imagine la lampe, les annuaires). Ou pour finir, le capillaire : « L’heure est donc venue de vérifier si, oui ou non, le chef de l’État se… teint les cheveux. »
« Jamais ! », répond le brave homme. Mais les deux ne l’écoutent pas. Mon œil, dit Lhomme. Et je dirais même plus, ajoute Davet. Pas plus qu’ils ne l’écoutent lorsqu’il leur fait part de ses doutes sur une nouvelle candidature : « Pour vous parler franchement, arrêter là ne serait pas pour moi une forme de démission. » Ils sont persuadés que l’ancien maire de Tulle, cet « ordinateur humain », est un roué, obnubilé par sa réélection.
Le couple projetait de « pénétrer le cerveau » du président. Outre que l’idée nous paraît un peu dégoûtante, c’est raté. Le livre s’achève sur un aveu d’échec : « Il est tant de choses à la fois : prévi- sible et audacieux, timoré et courageux, tortueux et simple, réfléchi et insouciant, sentimental et froid. » Nos deux limiers tenaient pourtant là un scoop : la nature humaine dépasserait en complexité celle des Schtroumpfs.
Malgré la morgue des auteurs, le livre dresse le portrait d’un homme honnête et courageux, dont la solitude émeut, parfois.
Sa victoire de 2012 déjà nous avait touchés. Pas pour la revanche de la Gauche, mais pour celle des gauches. Elle marquait la fin d’une dictature : celle du charisme et de la télégénie. Redonnait espoir à une armée de l’ombre. Non plus la France qui se lève tôt mais celle qui sort sous la pluie, arrive un peu en retard. La France en léger surpoids, la France des bourdes.
Avec Hollande au pouvoir – ce fut sa grandeur et sa faiblesse – chacun enfin pouvait se dire : ce type, mais c’est moi, président.

Merci pour ce moment Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°179 , janvier 2017.
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