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En grande surface Passer ton basque

septembre 2025 | Le Matricule des Anges n°266 | par Pierre Mondot

De nombreux collègues s’arrêtent au Matricule sur le chemin des vacances : les étals sont vides. Ou sinon le dernier Fabrice Caro. Et sous le manteau de la libraire, où sont d’habitude nichés les inédits de septembre, idem. Carrère, Mauvignier, les poids lourds, absents. – Mais si tu veux, j’ai ça. Marcher dans tes pas. L’usage de l’infinitif (le verbe quand il fait dodo, disent les écoliers du primaire), la deuxième personne du singulier (l’ami imaginaire) : grimace. – Nadège – mais si, l’institutrice – l’a lu et trouvé bouleversant. Le livre est signé Léonor de Récondo, et la colonne « De la même autrice » affiche déjà une dizaine d’ouvrages. Rien pourtant dans les archives de la revue. On sonde l’IA : Léonor est violoniste. Spécialiste de musique baroque et de cantates oubliées. Deux veines irriguent l’œuvre : l’une, historique, centrée sur des figures d’artistes (Michel-Ange, ou Vivaldi), l’autre plus intime.
Revenir à toi (2020), lu pour les besoins de l’enquête, raconte ainsi l’histoire de Magdalena, comédienne césarisée, qui retrouve sa mère (Apollonia) trente ans après qu’elle avait disparu. La jeune femme campe dans un couloir du domicile maternel et couche avec Jordan, le vendeur de Decathlon qui lui a fourni sa tente. Apollonia souffre – entre autres – du syndrome de Diogène et sa fille entreprend de nettoyer les lieux. Après plusieurs scènes de ménage et tandis que Jordan vit sa meilleure vie, elle découvre au fond d’une armoire l’enveloppe contenant le secret de ses origines.
Dans Marcher dans tes pas, récit autobiographique, Léonor de Récondo suit les marques laissées par les espadrilles d’Enriqueta, sa mamie basque, le long du pont qui relie Irun à Hendaye, par-dessus la Bidassoa. Elle préparait du riz au lait pour son petit-fils quand il a fallu partir, quitter Irun pour Hendaye, chassée par les franquistes. Là-bas, depuis la plage d’Ondarraitz où Enriqueta attend son mari (olé), les badauds observent la guerre civile comme un banal spectacle. Des petits malins louent même des longues-vues. Ces comportements « révoltent » l’autrice qui fustige « ceux qui se font de l’argent sur le malheur des autres ». Et c’est vrai que si on réfléchit, c’est mal.
Le récit de la bataille d’Irun alterne avec un second fil narratif. Pour effacer l’affront subi par ses aïeux, Léonor décide de demander la nationalité espagnole. Une loi l’y autorise depuis Zapatero. La démarche s’accomplit en ligne mais ça coince : un document justificatif de l’exil lui fait défaut : « Je suis dans une impasse numérique. Au fond, le mur de l’humiliation. (…) Je suis écœurée. » L’ambassade se montre finalement conciliante, et le papier manquant (le Cerfa de la honte) devient facultatif. Déçue de n’avoir pu placer l’adjectif kafkaïen dans son texte, la violoniste se lamente : « Quel est l’intérêt d’obtenir la nationalité si c’est sans aucune lutte ? »
Certaines parties du récit sont versifiées. La puissance de la parole poétique permet à la musicienne de remonter le temps et se fondre dans son décor : « Je suis le quignon de pain/ Je suis la tasse de café froid/ Je suis le biscuit sec trempé/ Je suis l’enfant réconforté/ D’entendre sa mère parler ». Et comment dire. Est-ce la canicule, la prolifération des moustiques-tigres ou le manque de fraîcheur du rosé ? On rate le petit train de l’émotion (à bord duquel on aperçoit Nadège nous faire Coucou derrière la vitre). L’« aventure de ce texte » se révèle un peu maigre : Enriqueta a mené une vie terne et ressemble à Tatie Danielle, le sésame espagnol s’obtient en deux clics et un rendez-vous. Comme chez Fabrice Caro (on n’allait pas le laisser), le réel est décevant. Cathy Mourier ne retombera pas dans les bras de Daniel, et Mme Rigaud qui lui frotte compulsivement le visage sur les seins lors de ses visites n’est pas l’épouse d’un serial killer.
Après avoir scénarisé le dernier Astérix, Fabrice Caro continue de marcher dans les pas de Goscinny. Son narrateur n’est plus le Petit Nicolas mais pourrait être son grand frère. Les Derniers Jours de l’apesanteur, titre de son roman, désignent la période qui précède l’entrée dans l’âge adulte, et que matérialise le bac. Comme souvent chez Caro, il est question de seuil : dans Broadway (2020), la lettre de dépistage du cancer colorectal marquait l’amorce du déclin. On rit moins. Parce que les ressorts comiques de l’auteur nous sont devenus familiers. Mais aussi parce qu’évoquer le temps où l’on plaçait « une pièce de deux francs dans le cendrier » du baby-foot, le rend mélancolique. Un récit baroque : on distingue du violon derrière la flûte.
PS : Retour de prêt. On interroge la libraire sur le prochain lauréat du Goncourt. L’an passé, elle avait dit Daoud. Là, Mauvignier.

Passer ton basque Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°266 , septembre 2025.
LMDA papier n°266
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LMDA PDF n°266
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