Je n’avais définitivement plus de maison. » Dans une chambre d’hôtel, un homme prend conscience de l’étrangeté de sa situation. Quelques heures plus tôt, un torchon brûle et voilà sa maison qui part en fumée. Situation de départ qui ne serait qu’un fait divers si Christian Oster, dont c’est le dix-huitième livre (le quatrième chez cet éditeur), ne faisait preuve d’une imagination troublante. C’est que, quand le feu a pris, son personnage, Jean, se prend au jeu, inconsciemment alors, d’une possible disparition. « Il y avait quelque chose (…), dans mon comportement, d’un désir de disparaître ». Sur la base de cet incendie, Jean, qui se trouve être un acteur un peu désabusé de séries B, improvise. Oui, il va vivre comme on se lance dans un numéro d’impro. Un désir jusqu’alors inavoué trouve dans cet incident matière à jouer une « vie nouvelle ». Pareil au comédien qui entre dans la peau d’un nouveau rôle. Sincèrement, au début, on voit mal comment Oster va se dépatouiller. Jamais ce scénario ne tiendra sur la longueur, pense-t-on d’abord. Eh bien ça tient et, mieux que ça, c’est bluffant. En s’en remettant au hasard des rencontres, Jean devient tout à la fois le marionnettiste et le jouet, tour à tour le figurant et le premier rôle, d’une histoire qu’il écrit sans l’écrire vraiment. C’est de l’impro, on l’a dit. Il avance à l’aveugle : « Il ne me restait, faute de voir vers l’avant, que la consommation hébétée du présent ». Et à partir du moment où l’héberge France Rivière, une actrice célèbre qui ne tourne plus guère, tout paraît devoir basculer dans une sorte de thriller. Oster entretient le suspense tandis que Jean flirte avec la folie : la sienne, qui semble couver, et celle du fils, déséquilibré, de France. La réussite de Christian Oster dans ce roman sous tension, c’est que jusqu’au dernier moment on ne voit pas jusqu’où il peut emmener ce personnage existentiellement déboussolé. Une façon habile, et très subtile, de s’interroger sur les pouvoirs de la fiction, et la place de l’artifice dans nos vies. Anthony Dufraisse
La Vie automatique, de Christian Oster, Éditions de l’Olivier, 138 p., 16,50 €
Domaine français Numéro d’impro
février 2017 | Le Matricule des Anges n°180
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Numéro d’impro
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°180
, février 2017.