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Poésie De fièvre et d’absolu

mars 2017 | Le Matricule des Anges n°181 | par Richard Blin

Sur fond de grâce et de gouffre, autrement dit de ce que les hommes peuvent faire de pire et de plus sublime, Gérard Chaliand fête la beauté qui survit au carnage.

Feu nomade et autres poèmes

Il aurait pu être de ceux qui partent pour trafiquer dans l’inconnu mais c’est d’abord pour échapper à la mémoire de l’Arménie perdue d’où sont issus ses parents, pour fuir ces «  fragments de récits chuchotés par des vieilles, / ce passé d’une tribu tranchée au vif, / une moitié morte, l’autre dispersée », que Gérard Chaliand, né en 1934, a décidé d’élire « la joie physique de l’aventure, / les confins guerriers renversant l’ordre apparent des choses, / le danger mené à la cape et l’orage des rencontres ». Une vie ardente qui l’a conduit, tout en exerçant différents métiers, à côtoyer, en tant qu’observateur-participant, pratiquement tous les mouvements de guérilla et toutes les guerres du monde (Afrique, Asie, Amérique latine, Europe de l’Est, Caucase), une expérience qu’il mettra au service de la géopolitique – notamment à travers ses Atlas (avec Jean-Pierre Rageau) – et fera de lui un géostratège mondialement reconnu. C’est dire que sa poésie ne s’adresse pas à des vivants frileux mais à ceux qui connaissent, ou rêvent de connaître, les sables du désert, le miroir orageux des océans, les mondes démunis excessifs et grandioses, à ceux aussi qui ont la faculté de saisir, en chaque instant, l’absolu qui illumine ou qui tue.
Cet homme qui a tôt découvert que le monde lui allait « comme un gant », qui n’a pas misé sa vie à demi, qui a « tout jeté dans la balance », a bu à toutes les fontaines du chemin, a connu « les chevauchées jaillies du fond de l’Asie / l’or, le rapt, le sang », a aimé « l’inquiétude des conflits, l’aguet, / la force ramassée, les décisions prises au tranchant, / l’art patient de changer la faiblesse en force », et dont les titres des livres – La Marche têtue, Les Couteaux dans le sable, Feu nomade, Cavalier seul – disent la trajectoire violente, sait aussi vivre intensément le lieu et l’instant, la beauté toujours neuve du tremblement de l’aube, du vent d’ouest griffant l’herbe des dunes, de « la pluie fine sur la Baltique d’ambre et de bruine », des nuits sahariennes, de la steppe « mélancolique comme un cimetière tatar » ou de « l’instant arrêté entre le vide et le plein / sous le brouillard des cimes ». Parce qu’en dépit du tragique, la vie peut être une fête, que la seule durée qui compte est celle du présent de la présence, de la joie de l’amour et de ses rencontres rares, « noces sauvages où se mêlent le tien et le mien / dans l’ardeur de ce qui ne peut durer. / Élan fait pour se dissoudre, mais dont l’écho perdure. »
Une poétique de l’action, de l’élan, de la mobilité sur fond de guerre, ce « poignard dans la chair de l’espèce ». Peu d’auteurs ont, comme Chaliand, authentifié leurs livres par leurs actes, fouetté avec tant de belle violence « l’explosive vitalité d’être au monde ». Peu ont traduit, avec cette ébriété sans effusion qui le caractérise, les cercles de phosphorescence du dehors savoureux, des grandes distances, du sentiment de la liberté libre. Et « maintenant que tout s’éloigne, que presque tout appartient au passé », qu’il sait combien les triomphes peuvent être « factices » – « Alors camarades / on ne s’est donc levés que pour ça ? / Tout le sang et les rêves de nos vies pour un écho brisé / Et vos dictatures policières tempérées par la corruption. // Un peu partout pourrit le royaume du Danemark. » –, il ne saurait cependant être question de laisser le dernier mot à la mélancolie, mais bien au contraire de « fêter ce qui se perd » comme les foudroiements de la beauté, la vie qui flambe comme une rose, et le monde qui recommence « à chaque naissance ».

Richard Blin

Feu nomade, de Gérard Chaliand, préface de Claude Burgelin, postface d’André Velter, Poésie / Gallimard, 192 pages, 7,20

De fièvre et d’absolu Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°181 , mars 2017.
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