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Domaine français Coup au cœur

juin 2017 | Le Matricule des Anges n°184 | par Anthony Dufraisse

Faute d’être devenu boxeur, Élie Robert-Nicoud raconte les destins cabossés d’un sport à nul autre pareil.

Les boxeurs montent sur un ring comme d’autres montent à l’échafaud ou sur scène. Entre les cordes, la mort à venir se donne en spectacle. Les projecteurs, les flashs des appareils photo, les ceintures de champion aux reflets mordorés ne doivent pas faire illusion : « La boxe n’est pas un sport lumineux, c’est un sport de l’ombre, de la peur de la nuit ». Hors du ring aussi, embusquée, la mort rôde, quand elle prend le masque de la folie. Il y a quelques années, le journaliste sportif Lionel Froissart intitulait Les Boxeurs finissent mal en général un livre qui brossait les portraits d’une douzaine de boxeurs ayant mal tourné. Cela aurait pu être le titre du livre d’Élie Robert-Nicoud qui nous raconte à son tour ce milieu si particulier : « un monde de bruit et de cris », « un monde de légendes », un monde, écrit-il encore, « fait de douleur, un monde dur, sombre, parfois tragique, un monde de sacrifice que l’on ne peut aimer qu’avec ambivalence ».
Fils d’un boxeur professionnel qui fit carrière au tournant des années 50, lui-même entraîneur (quand il n’écrit pas des polars sous le pseudonyme Louis Sanders), l’auteur insiste sur ce point : « Il n’y a pas de boxe sans ambivalence. Aucun autre sport ne peut créer ce sentiment ». Récit à la beauté trouble, à mi-chemin de l’essai et de l’autobiographie, Scènes de boxe oscille en permanence entre fascination et affliction, passion et répulsion. Couple infernal et sublime, la boxe et la mort se livrent à une danse souvent macabre. Tantôt entremêlés dans un corps-à-corps magnétique, tantôt se tenant à bonne distance. Revenant, après bien d’autres écrivains fins connaisseurs du noble art, sur quelques-unes des grandes rivalités pugilistiques (Ali-Frazier, Gatti-Ward…), Élie Robert-Nicoud convoque la grande cohorte des spectres : « les rings et les salles sont pleins de fantômes et d’ombres ». Sans oublier les managers, les promoteurs et les entraîneurs, il fait briller toute une constellation de l’histoire de la boxe, celle des champions passés à la postérité (Jack Johnson, Jimmy Braddock, Max Baer…) tout comme il ravive le souvenir des grands espoirs oubliés. « Les boxeurs ne sont pas comme les autres » : le propos de l’Américain Bernard Hopkins, l’un des plus grands poids moyens cité par Robert-Nicoud, vaut tout autant pour les anciennes gloires que pour les modestes amateurs. Par-delà les époques, les talents et les caractères, ils se ressemblent tous étrangement. Qu’ils aient eu ou non de brillants palmarès ne change pas grand-chose à l’affaire : toujours les boxeurs sont des trompe-la-mort. Et toujours, à quelques variantes et très rares exceptions près, ils rejouent cette même petite musique de la défaite annoncée, du coup de grâce redouté qui les jettera hors de ce « théâtre de l’identité ».
La notion de transmission est également au cœur du livre – qu’on pense seulement à la lignée de La Hoya, à Mayweather Jr, Roy Jones Jr… – et c’est dans ces pages-là que le livre se fait le plus touchant. En plus de revisiter les grands standards de la boxe, comme on le dit en musique, Robert-Nicoud se livre à une émouvante variation sur le thème de la filiation. Parce que son père, jusqu’à sa mort, a toujours voulu le préserver de cette violence-là, le fils a longtemps vécu comme une immense frustration ce refus d’une passion partagée, d’un vécu commun : « Est-ce que j’en veux encore à mon père de m’avoir tenu éloigné des salles de boxe et des traumatismes ou des lésions cérébrales graves de ces boxeurs qui ont fait trop de combats ? Bien sûr que oui ». Certes Robert-Nicoud fils ne porte pas, comme son père, les stigmates des coups encaissés, mais il n’en souffre pas moins profondément d’une invisible blessure au cœur. Ce rêve interdit, devenir à son tour boxeur, ce rêve maintenant irréalisable d’être un héritier, comme dans tant d’autres familles où l’on est boxeur de père en fils, c’est l’obsession d’une vie au goût amer d’inachevé. À travers un hommage aux boxeurs, c’est donc un chant de douleur intime que fait entendre Élie Robert-Nicoud qui sait, dans l’écriture, toucher la vérité de l’homme qu’il n’a pas été, au nom du père.

Anthony Dufraisse

Scènes de boxe, d’Élie Robert-Nicoud
Stock, 222 pages, 18,50

Coup au cœur Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°184 , juin 2017.
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