Il se cogne à l’existence et tente de s’adapter à nous, à notre monde et, croyez-moi, il a du mérite ». C’est avec des mots simples que Cécile Pivot évoque le quotidien de son fils autiste, Antoine. Dans un élan de sincérité qui s’interdit tout frein, celle qui mène de front une vie de journaliste et de mère d’un enfant au lourd handicap évite les postures et les généralités. Contrairement à l’écrivain portugais Valério Romão, qui aborde la question de l’autisme par le biais de la fiction (Autisme, Chandeigne, Lmda N°178), Cécile Pivot préfère la force du témoignage. L’intrigue aux multiples rebondissements, la parfaite construction de l’imaginaire laissent la place à la linéarité de l’existence, telle qu’elle apparaît dans ce journal. L’auteure s’autorise uniquement quelques bonds dans le temps, quelques méandres dans la vie du jeune homme. De la naissance à l’âge adulte, Antoine porte les espoirs et les déceptions de ses parents. Et Cécile Pivot ne ferme pas les yeux sur les moments de découragement qui la saisissent lorsque, épuisée, elle n’a qu’une envie : oublier le handicap. Comment concilier le besoin vital de régularité d’Antoine avec la vie chaotique de tout un chacun ? Sans oublier le tempérament d’une mère tout simplement humaine, qui avoue aisément ses petits défauts : « Sans cesse je change d’avis, je suis en retard, j’oublie certains de mes rendez-vous, j’ai envie, puis je n’ai plus envie ».
Comme d’habitude est un pendant d’Autisme. Si le second décrit l’autisme vu par un père en déroute, l’écrivaine éclaire cette vie commune par le biais maternel. Les doutes, le questionnement permanent y sont néanmoins les mêmes : « Nous nous aimons tellement et nous sommes si fatigués l’un de l’autre ». C’est par l’émotion que les errances d’Antoine saisissent le lecteur. La réflexion s’en trouve ancrée plus profondément, soutenue par une distanciation pleine d’espoir : « Pour ne pas sombrer, il faut avoir le sens de l’humour et pratiquer l’autodérision à hautes doses ».
Franck Mannoni
Comme d’habitude, de Cécile Pivot
Calmann-Lévy, 192 pages, 16,50 €
Domaine français Comme d’habitude, de Cécile Pivot
juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185
| par
Franck Mannoni
Un livre
Comme d’habitude, de Cécile Pivot
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°185
, juillet 2017.