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Poches Pittsburg ou la vie sauvage

juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185 | par Camille Cloarec

La romancière et essayiste Annie Dillard revient sur son enfance, avec mélancolie et humour.

Je grandis à Pittsburgh dans les années cinquante, plongée dans les livres, dans une maison remplie d’acteurs comiques », annonce la narratrice d’Une enfance américaine. De fait, le récit autobiographique qu’elle livre nous plonge dans la Pennsylvanie d’il y a un demi-siècle, à l’époque où les femmes restaient enfermées dans leurs maisons « comme une pièce de monnaie dans un coffre-fort  », où la crise économique poussait les investisseurs ruinés à sauter de leurs bureaux, et où tout flottait dans un nuage d’inconscience. « Oh, le grand silence bruissant des quartiers vides de cette époque-là, des quartiers abandonnés partout, d’un bout à l’autre du continent américain ! », se rappelle avec nostalgie Annie Dillard. Ce temps d’innocence, protégé par des parents excentriques et avant-gardistes, est bel et bien révolu.
L’éducation de l’auteure et de ses deux sœurs cadettes est centrée autour d’une valeur cruciale : celle de la blague. Des concours d’histoires drôles se mettaient en place, avec pour obligation morale d’en rire. Le père et la mère « collaboraient pour les reconstruire, ils se spécialisaient dans une tâche difficile et paléontologique : reconstituer des plaisanteries disparues à partir du mot de la fin dont ils se souvenaient encore ». Cette originale pédagogie, en plus d’inculquer un sens de l’humour détonant aux enfants, leur donne accès, dès leur plus jeune âge, à la théâtralité des mots. Annie Dillard, dotée d’une curiosité passionnée, entre ainsi en littérature.
Avec un vertige sans cesse renouvelé, cette dernière trouve refuge dans la lecture. Tout la captive, et particulièrement les formes courtes. « Je me jetai dans la poésie comme dans les chutes du Niagara ». Les savoirs qu’elle emmagasine la fascinent, tout comme les étranges découvertes qu’elle ne cesse de faire. Voici venue la période des rallyes, des musées et des rêves éveillés. La beauté des garçons lui apparaît soudain. L’homme qui marche de Giacometti débarque au musée de Pittsburgh. « Comme tous les enfants, je me réveillai par bribes, par morceaux, au fil des années ».
La vitesse s’accélère. Tandis que son père se lance dans le projet farfelu de descendre le fleuve Ohio, que sa mère poursuit ses inventions fondamentales (la dernière en date, le Prêtalarme, un émetteur fixé sur les livres empruntés, et qui sonne au bout de dix jours), la jeune Annie fait des bêtises. Excès de vitesse, passages au commissariat, lectures débridées… Les événements se bousculent. « Le monde extérieur dans son immensité apparut soudain et se remplit de choses qui apparemment avaient toujours été là : la minéralogie, le travail de détective, l’entomologie, les étangs et les cours d’eau, l’aviation, la société. » L’avidité avec laquelle l’auteure se précipite dans tous les coins, géographiques, intellectuels, amoureux, est frappante. Elle transforme son enfance en une épopée ingénue, pleine de confiance, de naïveté et d’appétit.
L’écriture d’Annie Dillard, proche de la nature, et sans nul doute fidèle à Henry David Thoreau, sur lequel sa thèse portait – il faut lire Pèlerinage à Tinter Creek –, rend avant tout hommage à sa ville natale. « Quand tout cela se sera évanoui, ce qui restera, je crois, c’est la topologie ; le souvenir rêveur de ce bout de pays tel qu’il s’étend de-ci, de-là », souhaite-t-elle. C’est l’attachement profond qu’elle éprouve à l’égard de Pittsburgh qui la pousse à partir. La prise de risque est, depuis toujours, une façon d’avancer. La maturité d’aujourd’hui parvient à pénétrer avec délicatesse les pensées de l’enfant qu’elle fut, enserrant avec poésie ses croyances désespérées, ses accès d’impatience, sa soif d’aventures. Mais la fin est inéluctable : « ma vitesse était telle que j’allais bientôt échapper à l’attraction du globe familial », précise l’auteure, achevant ainsi, avec une certaine brutalité, ses jeunes mémoires.

Camille Cloarec

Une enfance américaine, d’Annie Dillard
Traduit de l’américain par Marie-Claude Chenour et Claude Grimal, Christian Bourgois, « Titres », 352 pages, 9

Pittsburg ou la vie sauvage Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°185 , juillet 2017.
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