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Poésie Le poème hérisson

juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185 | par Emmanuel Laugier

Avec Mathieu Nuss, une plongée dans un vrai-faux journal où s’enchaînent des phrases dont les micro-catastrophes s’élèvent en véritable art poétique.

Arrosé l’arroseur

L’inversion du titre du film de Louis Lumière, projeté la première fois à La Ciotat en 1895, L’Arroseur arrosé, initialement intitulé Le Jardinier et le petit espiègle, est le premier pied de nez du revigorant livre de Mathieu Nuss. D’emblée, comme le nez au milieu de la figure, il annonce la couleur. Elle sera chapitrée « Monochrome du grutier » (II), « Vert bouteille » (III et V) ou encore « Plateau peinture » (VI), mais pas que. Elle s’inscrit, ou se peinturlure, dans des phrases où la matière à réflexion (dans tous les sens) brille et accorde aux choses un coin de parution inédit, un voltage particulier de présence. C’est patent au début où le locuteur précise que si « la matinée ne cède pas un mot pour que je m’enfonce, semble-t-il, dans la lecture  », c’est que « je chemine sur du goudron recoulé-daté-signé-noir  ». Première nuance qui appellera toute une climatologie, que celle-ci affecte le sujet parlant ou toute extériorité venue à lui : « Façon d’œil cherchant une forme ou une idée, butant sur des angles mal rangés, sur la gravité qu’un pied de table n’absorbe pas  ».
Le régime Nuss note des choses vues non depuis l’auto-réflexion intérieure, mais d’un point de renversement et de changement d’échelle : « Me suis transvasé dans un lieu puis, après décantation, une fois le trouble retombé (…) ». C’est que, entrecoupée par de mini-paragraphes où un art poétique se synthétise, Nuss fabrique des « segments intrus, contre sens et sécheresse extrême des tâches, flétrissures en unités toujours plus petites…  », par quoi l’inflexion de la note ou du fragment, tels que les romantiques de Iéna en firent une forme-hérisson, se déploie autant en ironie qu’en rendant le sens versatile. Se cherchant, se fuyant, il se retourne contre lui-même. « Je laisse se faire et se défaire  » est-il clairement écrit, mais le grutier du chapitre 2., du haut de sa cabine déplie une phrase monochrome et éclaire la tâche : « Vidée de tout contenu, d’air même presque pressurisé, éblouissante d’habileté, la valise slalome, pareille à des phrases indemnes de tout contenu  ». C’est que les « … poèmes optent pour / des résidences alternées, de / délicats autismes…  » dit l’un des sermons discrets du livre. Aussi Mathieu Nuss peut-il se demander « quelle proposition savante saurait rembobiner les détritus de la bande-son ?  », pour plus loin « verser au dossier de la sale hygiène environnante : les plates-bandes d’herbes, de mauvaise qualité, dont l’image préfigure la déteinte au lavage, la couleur de l’anoxie, la luminosité d’une de ces ampoules basse consommation (…) ». La liste des déjections poursuit, dirait-on, toute seule son phrasé, « c’est le venteux définitif qu’il m’importe de rapporter, cette artère dans laquelle les pas déglingués, de + en +, puisent l’oxygène du dire sans complexe ni complaisance  ».
Si l’on peut se sentir parfois abasourdi par la hardiesse de composition, son paysage y étant comme «  trois types mains dans les poches se volent la visibilité  », c’est qu’il faut se laisser aller au mouvement kaléidoscopique et à ses diffractions pour être soi-même saisi par la joie d’une langue si arrosée qu’elle torsade l’espace mental de l’arroseur : « la caméra tourne autour d’une carrosserie dégoulinante de pluie : voici le paysage, gris acier gris indépendantiste, noire caméra gonflée d’assurance  ». C’est bien ça, une plongée dans « du noir indépendantiste  », le risque de celle-ci pour que ça continue à tresser une langue de raccords inouïs.
On ne lui en voudra pas d’opérer ainsi avec sa table de montage et de lancer, pyrotechnicien à la pointe, ceci encore : « débattre des diverses électrocutions diurnes  », « des odeurs varappent  », « l’irrémédiable asphalte, et pourquoi pas même à la rouille aux trousses  », comme d’écrire ces « reflets d’aluminium déchirés dans les flaques  » où Nuss y reconnaît que « faire de la poésie c’est mettre quelque chose dehors à sécher…  » Peinture oblige.

Emmanuel Laugier

Arrosé l’arroseur, de Mathieu Nuss
Éditions Rehauts, 92 pages, 16

Le poème hérisson Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°185 , juillet 2017.
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