De l’incandescent sec, des rebonds inverses, du centrifuge extrême. Chez Christian Hubin, le propre, l’impropre, l’identité n’existent pas. On est au bord du temps, avant la division du monde entre objet et sujet, dans un monde fuyant, rendu à sa nudité première. Chaque poème est comme l’ombre scalpée de l’invisible figure du temps. Chaque livre est comme l’intransigeante partition de ce qui se trame dans un espace-temps qui ne se manifeste que sur le mode de l’effleurement. « Que bouger / rétracte. »
Tout est modulation vers de l’être encore à être, mouvement d’émergence difficile à appréhender sinon par fragments qui font bégayer une parole qui ne peut saisir que des épiphanies d’altérité, le battement d’ombre de ce qui précède un sens. Un monde rendu à ses prémices, à son nimbe de stupeur, au bruissement blanc de ses irisations de dissonances. Un univers rebelle à tout asservissement – « Coadjacent / à / tous, // externe / à / tous » –, échappant au troc du langage, ne connaissant que la logique du discontinu, du fluctuant, du surgissant. Un univers avec lequel Christian Hubin entretient un étrange rapport de réceptivité, une forme d’intimité qui prend la forme d’une présence résonante et dont il donne à sentir l’emprise énigmatique : « Où / comme sans // – ni / dire ». Énigmatique parce que s’engendrant à coups d’effacements par apparitions – « Où / ce qui n’est, // ne cesse / pas. » – c’est-à-dire sur le mode héraclitéen des préfigurations et des latences où rien n’arrive à surgir comme terme. D’où ces poèmes à la beauté ruinée, comme s’il ne restait plus qu’un son d’un possible échappé. Des vers dont le caractère elliptique, le non-dit, scellent la connivence avec un antérieur de la langue, l’en deçà du visible et l’invisible de la face du son.
R.B.
Face du son de Christian Hubin
L’Étoile des limites, 56 pages, 11 €
Poésie Face du son de Christian Hubin
octobre 2017 | Le Matricule des Anges n°187
| par
Richard Blin
Un livre
Face du son de Christian Hubin
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°187
, octobre 2017.