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Histoire littéraire Itinéraire d’un couple

novembre 2017 | Le Matricule des Anges n°188 | par Didier Garcia

Quarante ans après sa disparition, voici les lettres que Vladimir Nabokov (1899-1977) adressa à son épouse pendant plus d’un demi-siècle.

Au printemps 1923, à Berlin, tous deux vivent alors leur premier exil, leurs familles ayant fui le pouvoir bolchevique. Elle, c’est Véra Slonim (1902-1991), autrement dit Véra pour les familiers de l’œuvre de Nabokov, dont elle est la dédicataire exclusive. Lui, pour ne pas être confondu avec son père (tous deux portant le même prénom), signe alors ses premiers textes Vladimir Sirine. Lorsqu’ils se rencontrent, le coup de foudre est réciproque. Deux ans plus tard, le mariage scelle leur union, puis, en 1934, la naissance de leur seul enfant Dmitri.
C’est un demi-siècle de vie commune que ce volume donne à lire en filigrane. Une histoire présentée par un seul des deux protagonistes, Véra ayant choisi de détruire ses propres lettres.
Conformément à toute correspondance amoureuse, celle du couple Nabokov comporte de belles déclarations liminaires, Véra étant alors la seule personne avec laquelle il puisse parler « de la nuance d’un nuage, du chant d’une pensée », ou à laquelle il puisse dire qu’il a regardé « en face un grand tournesol » qui lui a « souri de toutes ses graines ».
Le lecteur les accompagne ensuite dans leurs exils successifs, à Paris tout d’abord, où Nabokov peut enfin oublier « le grossier ennui de Berlin, son arrière-goût de saucisse pourrie et sa monstruosité suffisante ». Puis à Londres, et enfin à Wellesley, mais la majeure partie des lettres rassemblées est antérieure à leur installation aux États-Unis en 1940 (les séparations se faisant alors beaucoup plus rares, les années américaines de leur histoire occupent une petite centaine de pages).
Pour le reste, il est essentiellement question de l’œuvre de Nabokov, ou plus exactement (car on le surprend peu au travail proprement créatif, comme si cette expérience vécue en solitaire ne pouvait être partagée, pas même avec Véra) des innombrables démarches qu’il a pu entreprendre (prises de contacts avec les éditeurs étrangers, rencontres en tous genres, déjeuners et dîners, incessantes lectures publiques) pour la faire connaître, reconnaître et rayonner, ainsi que l’aurait fait un agent littéraire. Cela vaut au lecteur de croiser en chemin Bounine, Franz Hellens, Du Bos, Supervielle, et l’inévitable Paulhan (qui lui ouvre les portes de la maison Gallimard).
Entre deux conférences (évoquées avec un désir de modestie auquel on peine à croire), Nabokov s’adonne à ses deux activités préférées (en dehors de l’écriture) : la chasse aux papillons (il fut un éminent lépidoptériste) et la lecture, occasion pour lui d’abandonner au passage des jugements pour le moins expéditifs (à l’en croire, Les Caves du Vatican de Gide seraient « une terrible ânerie »). Ce qui ne l’empêche pas, ailleurs, de rendre un hommage appuyé à Flaubert et à Bovary, qu’il assure relire « pour la centième fois » (« Comme c’est bien, comme c’est bien ! »).
Pas de révélations fracassantes donc (les amateurs de scandales posthumes peuvent passer leur chemin), et rien qu’un lecteur familier de Nabokov ne sache déjà, au moins dans les grandes lignes. Reste le plaisir des retrouvailles (bienvenues après sept années d’absence, L’Original de Laura, le très controversé roman posthume de Nabokov, ayant paru en 2010). Un plaisir qu’on ne boudera pas, cet ensemble de lettres ressemblant souvent davantage à un journal qu’à une correspondance amoureuse (ce qui somme toute n’est pas plus mal), l’auteur de Lolita adressant à Véra un compte-rendu minutieux, presque maniaque, du quotidien vécu loin d’elle (conformément à ce qui a été convenu entre eux, Nabokov prend le temps de détailler ses repas, d’évoquer ses rencontres, ses dépenses, ses démarches et jusqu’à ses choix vestimentaires). Une « relation complète » qui est, pour le lecteur, comme une fenêtre entrouverte sur sa vie.
Didier Garcia

Lettres à Véra, de Vladimir Nabokov
Traduit du russe par Laure Troubetzkoy
Fayard, 856 pages, 36

Itinéraire d’un couple Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°188 , novembre 2017.
LMDA papier n°188
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