L’hiver balayant les trottoirs d’un air russe glacial, on ne sera pas étonné que la lecture des Mains vides de Maria Borrély (1890-1963), court roman du chômage et de la faim, provoque quelque frisson aux âmes des plus empathiques. Ce livre de 1932, triste fruit de la crise de 29, est une véritable merveille de littérature. « On était quatre grands amis enchaînés par le sort… » Sur un tempo semblable à celui de Joseph Delteil, mais dans des phrases plus vigoureuses, cousues comme celles d’un Giono, c’est un livre touchant, brutal et beau habité par tous les vents de la Vallée du Rhône et cheminant doucement sur ses chemins empierrés. Les personnages de l’institutrice et militante Maria Borrély égrènent leurs misérables existences avant de s’étaler, amorphes, sur les bancs de Marseille. « Sa figure est enflammée par la faim. Dans ses oreilles, des cloches bourdonnent, la tête lui tourne et presque, il commence à voir les étoiles du ciel en plein jour. » À ranger près de Marc Stéphane (Ceux du trimard) ou de Claude Seignolle (La Gueule), ce roman est le point d’entrée idéal d’une œuvre imbécilement négligée. Par bonheur, la coopérative Parole réédite Le Dernier Feu, préfacé par Giono, Sous le vent, Les Reculas, et ajoute un inédit, La Tempête apaisée. On y trouve de la vie, de la mort, des armes à feu et de la terre, des villages qui meurent. Ces cinq livres placent Maria Borrély avec Marie Mauron parmi les grands écrivains de Provence.
Éric Dussert
L’Œuvre romanesque complète, de Maria Borrély
Éditions Parole, 60 € (12 € pièce)
Histoire littéraire Maria à tout prix
mars 2018 | Le Matricule des Anges n°191
| par
Éric Dussert
Un livre
Maria à tout prix
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°191
, mars 2018.