Pour ses vingt ans la revue Rehauts offre, bien après Poésies en France depuis 1960, 29 femmes, une anthologie (sld. L. Giraudon et H. Deluy, 1994), son numéro à 13 femmes poètes d’aujourd’hui, dont une seule, Amy Clampitt, est traduite de l’anglais. Si quelques-unes manquent, c’est dire que le projet d’une véritable anthologie de la poésie française écrite par les femmes (du XXe au XXIe siècle) n’existe pas encore, mais c’est aussi constater que ce volume contribue à la préparer. Le choix proposé, qu’aucun avertissement n’explique, est sans doute celui, croisé, des compagnonnages et de l’opportunité des rencontres. Mais il ne dénature pas la cohérence de son éclectisme : des « Calligrammes » (clé, sablier, lustre, diamant, etc.) de Cécile Mainardi aux laisses prosées de Sandra Moussempès, le rapport est celui de l’ironie et de la joie campée jusqu’à l’insolence (« Je suis une épouse latente retombée dans les ronces lors d’une évasion ratée-//Bien que je ne sois pas une pop star j’idolâtre ce que tu disposes à l’intérieur de moi- ». Mixte de phrases comme arrachées à un récit caché, Caroline Sagot Duvauroux évoque ce « Quoi m’a fendue » quand Séverine Daucourt s’en amuse, « à Belleville/devant les boutiques/dans ma mini-jupe/très courte », mi-naïve et « proie » de sa propre naïveté. L’incipit de « Une décision » de Nadia Porcar : « J’avons décidé de surprendre les futurs hommes de ma vie au petit-déjeuner » lance des « basta » revigorants, il rejoint « L’amour selon les déterminismes » d’Isabelle Zribi (« Une fois terminé, l’amour doit être prestement gommé »), comme les « Quatre lais » de Vibrisse, « conte mélusinien » (Sophie Loizeau) œuvrent à une fine sensualité érotique joyeusement païenne, de même qu’Hélène Sanguinetti, verbe haut swingué, offre à sa « Poïena » bien vue « des couleurs qu’il faut,/entre les jambes,/sexe de secret/= », soit ce que l’énigme d’une origine ne cesse de retourner à son arroseur (arrosé).
E. L.
Rehauts N°41, 116 pages, 15 €
Revue Rehauts n°41
mai 2018 | Le Matricule des Anges n°193
| par
Emmanuel Laugier
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°193
, mai 2018.