Un jeune homme chic est le journal d’une année particulière : 1977, celle du punk qui, davantage qu’un mouvement musical, aura peut-être été cette année-là (avant de perdre très vite, comme souvent, son essence initiale) un monde de possibilités nouvelles, un « no future » offrant paradoxalement une forme de futur instantané à vivre au présent. 1977, en tout cas, nous dit Alain Pacadis, est « une année clé dans l’histoire de notre culture ». « Depuis quelques mois, on sent dans l’air comme une vibration vague », poursuit-il, et son journal, qui s’étend de septembre 76 à octobre 77, se fait fort de saisir ladite vibration. Le livre fut publié l’année suivante et n’a rien perdu de son intérêt littéraire et documentaire, même si certains noms de groupes sembleront un peu flous au lecteur d’aujourd’hui (on croise aussi Iggy Pop, Suicide ou Gainsbourg). Mais il ne s’agissait pas pour Pacadis – « rock critique et philosophe », selon ses propres termes – de jouer les ventriloques en essayant de séparer d’avance le bon grain de l’ivraie (quoiqu’il se risque à certains pronostics), plutôt de raconter avec l’enthousiasme du converti de la première heure (un enthousiasme qui, rétrospectivement, pourra par moments nous paraître naïf, ce qui contribue aussi au charme du texte) une effervescence qu’il vit au quotidien. « Je vis au jour le jour, profitant de l’instant », dit-il lors d’un échange avec Gainsbourg. Il ajoute : « Les grandes villes : Paris, Londres, New York portent en elles les germes de leur décadence et j’essaie d’amplifier ces germes que sont la transsexualité, les drogues dures, l’anarchie, le chaos. Et je continuerai jusqu’à la Fin. » Au-delà de l’aspect prophétique de tels propos, s’agissant de quelqu’un qui aura pratiqué une consciencieuse autodestruction et mourra à 37 ans dans des circonstances confuses, on peut y lire une forme d’idéalisme dandy, celui d’un maintenant éternel parce que destiné à être court, où musique et vie se fondraient en un tout intense et définitif.
Guillaume Contré
Un jeune homme chic
Alain Pacadis
Héros-Limite, 272 pages, 20 €
Domaine français Splendeur et décadence
février 2019 | Le Matricule des Anges n°200
| par
Guillaume Contré
Un livre
Splendeur et décadence
Par
Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°200
, février 2019.