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En grande surface Manu militari

mars 2019 | Le Matricule des Anges n°201 | par Pierre Mondot

Jacques Le Jolis de Villiers de Saintignon et Hedwige d’Arexy se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. De cette progéniture, on connaissait l’aîné, Philippe, qui s’illustra en politique et édifia au cœur du bocage vendéen un vaste parc de loisirs à la gloire de la monarchie féodale. Aujourd’hui retiré, et faute d’avoir trouvé un autre vicomte à qui se raconter, le vieil homme rédige des essais emplis d’effroi sur le déclin de la France : les Sarrazins sont à nos portes et déjà, voilà que résonne l’appel du muezzin (une crise d’acouphènes, nous rassure son médecin).
On découvre aujourd’hui Pierre, le cadet. Il occupait pourtant la fonction de chef d’état-major des armées depuis cinq ans, mais depuis que l’on délocalise les grands conflits mondiaux, on ignore tout de nos stratèges.
À l’été 2017, Emmanuel Macron étrenne ses habits neufs de pharaon. Il sort d’une année euphorique. Rien ne lui résiste : son sourire enjôle les opposants les plus vifs, son charme dénoue les conflits et Trump, qu’il se montre, tiens, il lui broiera la main. Et qu’entend-il ? Qu’un peu partout le vizir en charge des armées se répand en commentaires désobligeants sur la part consacrée à la défense dans le prochain budget : « Je ne me laisserai pas baiser comme ça » aurait publiquement déclaré ce séditieux. « Le chef, c’est moi ! » tonne Macron. On devine la suite. Vous me prenez pour un imbécile ou pour un dégonflé ? Les deux, mon général. Hop, c’est la quille.
Revenu à la vie civile, Pierre de Villiers étanche cette humiliation par la rédaction d’un essai, Servir. Il y réaffirme l’importance de l’armée dans un monde « multipolaire et en voie de fragmentation » (un sacré boxon, en résumé). Le livre rencontre un succès inattendu (mais il y a toujours un public pour collectionner les petits soldats et les maquettes d’avions de chasse). Le général se lance alors dans une vaste tournée promotionnelle, écume les espaces culturels des hypermarchés de province. Ces virées à travers l’Hexagone provoquent de fâcheuses illusions d’optique : les auteurs rencontrent leurs lecteurs et croient rencontrer la France. Chacun en ressort avec le sentiment de faire l’objet d’un puissant plébiscite. De Villiers n’échappe pas à la règle et décrit ces séances de signatures comme « une sorte de communion collective et individuelle dans cet idéal de service pour notre pays et ses valeurs ». Et ce tour de France corrobore son intuition : ce qui manque à notre pays, c’est l’autorité, le respect, palsambleu. Parce qu’aujourd’hui, c’est « le règne du “keep cool” et du “ne te prends pas la tête”, (…) la génération “j’ai le droit” ». Pierrot retrouve sa plume et cet hiver, concomitamment aux premiers chahuts de nos gilets jaunes, publie Qu’est-ce qu’un chef ? Quelques agitateurs le lisent – on s’ennuie ferme sur les ronds-points – et voient dans ses lignes un appel de phare : « Il y a un sentiment croissant d’injustice chez nos concitoyens entre la contrainte forte qu’ils subissent, par exemple dans des contrôles routiers sans tolérance (surtout depuis la mesure de limitation de vitesse à 80 km/h), et une certaine impunité dont jouissent d’autres personnes… » On le contacte pour savoir si entre deux dédicaces, il ne serait pas disponible pour un putsch. Macron au gnouf, voilà qui est tentant, mais le militaire éconduit poliment les factieux.
Pas le temps. Et un bon chef doit d’abord maîtriser le temps. C’est le thème du premier chapitre. De la difficulté de « faire entrer l’édredon de nos tâches dans la valise du temps disponible ». Car le général a conservé de l’époque où il s’adressait aux troupes le goût des images concrètes (mais pourquoi emporter sa literie en voyage ?).
Le général poursuit son inventaire des qualités d’un bon chef et suivant une inclinaison propre à son grade, enchaîne les généralités. Un chef doit posséder du charisme. Être exemplaire. Sportif : « Tout dirigeant doit écouter son corps, le connaître et le respecter. » Courageux : « Un chef est un absorbeur d’inquiétude » – et ne tremble pas, on le voit, à l’idée d’employer des tournures lourdingues.
Reconverti dans le conseil aux entreprises, Pierre de Villiers fait valoir ses compétences en matière de ressources humaines. Comment se conduire avec ses subalternes ? L’ancien combattant nous dispense de précieux conseils : « un petit mot, un regard complice, ne serait-ce qu’une poignée de main, sont d’une grande efficacité. » Mais oui, d’autant que ça les flatte, ces crétins.
À ce bréviaire du parfait commandant, on opposera Bartleby, petit guide de l’employé modèle composé par Melville il y a plus d’un siècle. Diriger, encadrer, ordonner ? I would prefer not to.

Pierre Mondot

Manu militari Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°201 , mars 2019.
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