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Domaine étranger Courtoise immersion

juin 2019 | Le Matricule des Anges n°204 | par Julie Coutu

À travers Un roman qui s’attache à dire un amour qui n’a pas lieu d’être, Kirsty Gunn questionne, au fil d’une balade, les formes mouvantes du récit.

L’œuvre de Kirsty Gunn, c’est à la fois une écriture pointue, précise, incisive, et cet intérêt constant pour la forme. Pas que le fond s’estompe, mais la forme prime. La construction narrative fait et déforme l’intrigue. C’est vrai dans chacun de ses romans (Histoire aux yeux pâles, 44, La Grande Musique), mais chaque fois un peu plus. Ainsi avec Le Bikini de Caroline, qui va toujours un peu plus loin, là où l’histoire se retirerait presque pour laisser place à l’hypertextualité.
Presque, mais pas tout à fait. Il y a une histoire dans Le Bikini de Caroline. Une histoire, un tandem, une continuité géographique. Un coup de foudre aussi, unilatéral, central, prétexte. Parce qu’au cœur du récit, Kirsty Gunn place : l’amour courtois. Tel que défini par André Le Chapelain – précision donnée, parmi d’autres, nombreuses, en annexes. Tel qu’écrit par Pétrarque. Tel que codifié par la tradition au Moyen Âge. Et parce que de fait, le récit tout entier se construit autour d’une absence, d’un vide, d’en sentiment en creux : un amour non réciproque qui fonctionne par jeu narratif de miroirs et de contre-balancements. La structure est complexe mais chemine, de pub en pub, en une longue balade rythmée par des dégustations de gin, à servir si possible sophistiqué. Elle chemine au long des notes qu’accumule « Nin » Emily Stuart, rédactrice publicitaire et nouvelliste à ses heures, à la demande d’Evan Gordonston, ami d’enfance fraîchement revenu des États-Unis. Elle dit une rencontre, avec Caroline Beresford. « Grande. Bronzée, même si c’est le milieu de l’hiver. » Elle oscille de Chelsea à Richmond, du centre londonien aux banlieues résidentielles huppées, au bout de la ligne, loin, si loin de la vie réelle. Là où les voisins ont ces jardins avec piscine. Caroline et son bikini. Elle se densifie, se ramifie, au fil des pensées, des écritures et réécritures d’Emily, requalifiée « amanuensis ». Au service des notes et dires d’Evan, et appliquée, tellement, à respecter son souhait de départ. À rédiger une histoire, un récit. Pas un roman. Parce que si Evan pense roman, Emily questionne. Un roman sans histoire ? Sans trame ? Sans événement ?
Au-delà de la structure comme élaborée en direct, Kirsty Gunn prête une attention toute particulière au ton, à la voix d’Emily. Celle sans qui rien n’adviendrait. À la fois distante. Et trop impliquée. Attentive. Inquiète. Interrogative. Tendue. Elle-même en proie au doute, en permanence. Elle va et vient Emily ; ses hésitations, ses questionnements, hachent un récit qui n’existerait pas sans elle et lui donnent forme. Parce qu’elle oriente, sans forcément grand succès, mais avec une connaissance profonde, intime, d’Evan. Elle est seule à même de le suivre, et seule aussi à se débattre et débattre avec la littérature. Les mots, les phrases, leur rythme, leur qualité lexicale, leur contextualisation, les liens des uns aux autres, les inserts à faire ou ne pas faire. Elle est immensément présente Emily, et le récit émerge de cette présence, de cette disponibilité, de la forme singulière de ce don de soi. Et pour lui donner cadre, Kirsty Gunn lui offre des annexes, un texte au-delà du texte. Et tout est dit, sauf peut-être le vide.
« Si un écrivain d’aujourd’hui cherchant un sujet ou un thème pour une œuvre et n’en trouvant pas peut être inspiré par le vide au cœur du Bikini de Caroline dans la création de sa propre entreprise, alors le projet d’Evan Gordonston et d’Emily “Nin” Stuart n’aura pas été inutile. L’art a besoin d’un sentiment de manque pour engendrer ses propres effets ; sans la sensation du besoin de compenser une insuffisance, il n’y a pas d’œuvre. »

Julie Coutu

Le Bikini de Caroline, de Kirsty Gunn
Traduit de l’anglais par Jacqueline Odin,
Christian Bourgois, 416 pages, 22

Courtoise immersion Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°204 , juin 2019.
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