Pas évident pour un auteur débutant désargenté de se voir confier par un grand éditeur, la rédaction d’une biographie, surtout lorsqu’il s’agit de celle d’un écrivain qui a vendu plus de 150 millions de livres, à savoir Gérard de Villiers, le célébrissime auteur des SAS : « Gérard de Villiers est né le 8 décembre 1929 (j’étais même pas né) et il est mort le 21 octobre 2013 (j’étais même pas mort). Entre les deux, il a vécu. Et à dire vrai, c’est bien cet entre-deux qui m’ennuie à l’heure actuelle, parce que de cet entre-deux, je ne connais même pas une demi-mesure ni une tierce majeure. » Le narrateur a beau essayer d’entrer en contact avec les proches de Gérard de Villiers : rien à faire, tout le monde se méfie. Julien Moraux aurait pu s’amuser à continuer à nous raconter les mésaventures de son double, mais, au bout d’une cinquantaine de pages, il a préféré donner à son récit un tour bien singulier. Tout change en effet dans un troquet d’un village normand où Stéphane, l’ami de notre narrateur, a préparé une rencontre surprise avec le sosie de Villiers. Hélas, Stéphane, qui croyait bien faire, a obtenu un rendez-vous avec Philippe de Villiers. À partir de là, le narrateur et son récit se mettent à totalement dérailler. Dieu, incarné en Beigbeder, intervient en personne et le grand délire commence. Avec Gérard de Villiers lui-même, en réalité un agent de la CIA bien vivant, mais aussi Malko Linge et même Brichot et Corentin de la série des Brigade mondaine, notre narrateur se met sur la piste d’un mystérieux écrivain qui veut tout simplement supprimer l’histoire de la littérature grâce à « une baignoire à voyager dans le temps ». Alors que les lettres s’effacent peu à peu de tous les livres, nos compères rencontrent Houellebecq qui aura tout juste le temps de les mettre sur la piste de l’écrivain-fou avant de se prendre une balle en pleine tête. C’est finalement sur une île tropicale, une improbable île du docteur Moraux (plutôt que Moreau), que se jouera à la Mad Max la survie de la littérature. Avec ce premier roman hilarant, qu’on croirait écrit sous acide, Julien Moraux rend un hommage tarentinesque à la littérature, mais aussi au cinéma et au rock. Éric Bonnargent
Mais rien ne vient, de Julien Moraux
Éditions du Rocher, 320 pages, 18,90 €
Domaine français Mais rien ne vient
octobre 2019 | Le Matricule des Anges n°207
| par
Eric Bonnargent
Un livre
Par
Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°207
, octobre 2019.