Mika Biermann, l'art d'être libre
Il est des écrivains dont le nom s’échange aux porches des librairies dans une sorte d’enthousiasme fiévreux qui voudrait que l’interlocuteur auquel on offre ce sésame se précipite illico sur les livres du susnommé. D’évidence Mika Biermann en fait partie. Depuis la parution en 2013 de son roman Un blanc qui évoque une tragicomique expédition en Antarctique, les livres du plus marseillais des Allemands (ou l’inverse) sont guettés par quelques centaines de lecteurs qui saluent l’inventivité décomplexée d’un écrivain dont les romans surprennent à chaque fois. L’homme est un conteur. Pas seulement par l’écriture : avec son ahurissant accent germano-provençal, il lui suffit de quelques phrases pour qu’aussitôt l’envie vous prenne d’aller lui taper sur l’épaule et de lui proposer un verre au comptoir le plus proche. Au lendemain d’une rencontre dans une librairie coopérative de Montpellier où il fut question de nains priapiques, de Cézanne, Renoir et Zola, l’écrivain nous attendait dans le hall de son hôtel, sourire en coin, cheveux courts et regard malicieux.
« Je suis né dans un asile de fous », commence-t-il. Nous sommes en 1959 à Bielefeld en Rhénanie du Nord-Wesphalie. La maternité se trouve dans l’asile des fous de l’hôpital. La folie n’étant pas contagieuse, on aurait tort de faire le lien avec quelques-uns des personnages assez perturbés qu’on croise dans ses livres. Les grands-parents appartiennent encore à la ruralité et au monde ouvrier : une usine de tissage emploie le grand-père paternel qui deviendra ensuite apiculteur et cordonnier. Premier à faire des études, le père de Michaël devient commercial : « c’était un grand changement. » Côté maternel, les racines se trouvent en Prusse orientale, « ce drôle de territoire allemand en pleine Pologne ». La guerre et l’offensive soviétique jettent les futures mère et grand-mère sur les routes, le rail. Quatre ans plus tard, leur dernier train les déposera à Bielefeld où la jeune femme trouve un emploi dans une usine de levures chimiques. Elle rencontre le commercial, s’installe avec lui dans la maison des grands-parents qui voient d’un drôle d’œil cette « presque immigrée ». Une sœur et un frère suivront. Dans cette évolution du prolétariat, l’idée de la culture fait son nid. Les parents de Mika s’inscrivent dans un club du livre qui moyennant un abonnement bon marché envoie chaque mois un livre à la maison. C’était surtout « des classiques, des Daphné du Maurier, des choses improbables. Mon grand-père était fan de science-fiction et on prend alors un abonnement pour une collection de livres au format poche “d’anticipation scientifique”. Sur les étagères, ça faisait classe. » C’est en puisant dans cette bibliothèque que le gamin va trouver ses premières émotions littéraires.
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