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Domaine français Passion fixe

mars 2020 | Le Matricule des Anges n°211 | par Anthony Dufraisse

Au prisme d’une relation amoureuse intense, le premier roman de François Kasbi rejoue l’éternelle lutte entre vie et œuvre.

Bien sûr que si !

Dans la tête de François Kasbi il y a une bibliothèque aux rayonnages lourds de tant et tant de livres lus, et d’autres, en attente de l’être bientôt, le jour ou la nuit. C’est un genre de Roi-Lire que cet homme-là, « imbibé de littérature » jusqu’à la moelle, admet-il volontiers. Les quelques livres, essentiellement des recueils d’articles et de textes, qu’il nous a donnés jusque-là – et qui ne sont pas seulement des exercices de critique littéraire, mais bien des choix existentiels – témoignent de cette dévorante dévotion aux mots des autres. Or voilà que Kasbi se présente aujourd’hui en romancier, à 50 ans passés. Ce changement de rôle, ce passage de l’autre côté du miroir, est en quelque sorte au cœur même de ce livre dont la matière première est justement… le cœur. Comprendre : la passion amoureuse. « La plus belle chose que j’ai faite pour une femme, la plus terrible aussi, ce fut de la quitter. Quitter Clarisse par amour. (P)our lui consacrer un livre. Lui parler d’elle, et de nous, l’évoquer le temps d’un livre plutôt que de continuer à vivre cet amour fou. (…) Depuis que je respire la littérature, j’ai toujours su qu’il y aurait un jour bataille – entre la littérature et la vie : Clarisse en fut l’enjeu. » D’entrée de jeu, notre homme met cartes sur table. Il fait tapis, comme au poker ; ça passe ou ça casse.
C’est donc l’histoire si connue et pourtant toujours nouvelle d’une séparation que raconte François Kasbi. C’est en héros autant qu’en historien qu’il l’écrit ; il en est le cobaye et le chirurgien tout à la fois. Car cette histoire c’est la sienne, transmutée comme on dit en alchimie, transfusée de la vie vers le livre. Autofiction ? Écartons la question-réflexe. L’important est de savoir si Kasbi a réussi ou non son pari au bout des 156 pages. Ce qu’il démontre ici, dans un (auto)portrait croisé d’elle et lui, de lui sans elle, etc., c’est qu’il faut trouver seul ce que l’on est prêt à sacrifier à la littérature ; alors, et alors seulement, on en connaît le vrai prix. Dans le décor d’un Paris presque woody-allénien, il nous rejoue, de son point de vue d’homme romanesque et romantique, ici et maintenant, l’éternelle lutte de la prétendue « incompatibilité entre la vie et l’œuvre », comme disait Rilke. Il y montre, dans ce combat frontal et fractal (car le récit, en deux parties, est une narration éclatée), un sens rare de l’introspection. Surtout, oui surtout, il fait montre d’un art bien particulier de la mise en scène. Cette mise à nu des sentiments ne pouvait en effet avoir lieu qu’à travers un certain style. Disons qu’il y a du dandysme dans cette écriture-là (ce n’est pas un stendhalien pour rien). Si Kasbi dessinait, ce serait comme Floc’h. Jamais il ne se départit de la ligne claire : élégance, toujours, dans la façon d’exposer cette passion fixe (ce n’est pas, oh non, La vie sexuelle de François K.). Une esthétique de la phrase souple et cadencée comme moteur et miroir d’une maîtrise des émotions. Le recours massif aux citations, tramées au texte tout du long, redouble semble-t-il cet effort pour tendre à l’exactitude épiphanique de la langue. Souci quasi fanatique de la note juste : « La citation s’impose dès lors qu’elle dit précisément, ce que je n’aurais pu mieux dire mais que j’éprouvais aussi bien. Pourquoi (…) tenter de faire mieux quand on a déjà le mieux  ? »
« Scribe »
scrupuleux, Kasbi est comme un sismographe incarné, de chair et d’encre. « J’écris pour laisser une trace de cet amour total. » Tout lui sera bon – un détail, une odeur, une couleur – pour convoquer ce féminin singulier que représente Clarisse. L’étrangeté du titre, pas très heureux en apparence, traduit en définitive la possible convergence entre existence et création, entrelacées jusqu’à l’indistinction. En se faisant personnage de roman, François Kasbi aurait donc réussi son pari ? Bien sûr que oui !
Anthony Dufraisse

Bien sûr que si !, de François Kasbi
Éditions de Paris, 156 pages, 15

Passion fixe Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°211 , mars 2020.
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