Gyrdir Eliasson est-il écrivain de la nature ou écrivain de la solitude ? Certainement des deux. Il mêle ainsi les thèmes et les joue à l’unisson, privilégiant les tons graves, souvent mélancoliques. Il s’emploie à ne pincer qu’une seule corde, exacerbant jusqu’à la rupture la tension qu’elle génère. Ses fjords, ses forêts, leurs lumières, sont d’une beauté à couper le souffle. Et ses narrateurs, reclus volontaires, vont être happés par tous ces verts, tous ces bleus, toutes les saisons. Jusqu’à… ? Écrire qu’il ne se passe rien dans ses récits serait un brin excessif. Des hommes, des artistes s’y dépouillent du monde, s’évinçant du jeu social, jusqu’à douter du pouvoir de créer, d’en surligner la vanité ainsi que de celle de vivre. L’écriture minimaliste, très poétique (il est l’auteur de dix recueils de poèmes et de cinq romans), descriptive des paysages, des introspections et de la banalité des tâches quotidiennes, renforce ce sentiment. « Lumière du matin sur la montagne. La capuche du glacier est plus blanche que jamais. Mais je n’ai pas envie de gravir la montagne, pas encore en tout cas. Certains disent que l’écriture est plus difficile qu’une ascension. Je ne sais pas, je n’ai pas d’éléments de comparaison. Je pense que les montagnes ne sont jamais vaincues, même si on leur monte dessus. » Au bord de la Sanda (La Peuplade, 2019) présentait un peintre renommé se retirant pour faire le point sur sa création, son existence. Installé dans un camping surplombant une rivière glaciaire majestueuse, il peint la forêt, les branches, les feuilles… Mais fige-t-on la vie ? La Fenêtre au Sud est le deuxième volet du triptyque. Un écrivain, en quête d’inspiration, s’isole dans une maison de vacances, au bord de la mer d’Islande. Il écrit sur une vieille Olivetti dont le ruban finit par n’imprimer que du blanc. En parallèle, il coupe ses derniers contacts d’avec le monde. « Ce que disait Rilke est vrai : si l’on n’aime pas un paysage, ce n’est jamais de sa faute à lui. »
Dominique Aussenac
La Fenêtre au Sud, de Gyrdir Eliasson
Traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson,
La Peuplade, 170 pages, 18 €
Domaine étranger La Fenêtre au Sud
septembre 2020 | Le Matricule des Anges n°216
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Le Matricule des Anges n°216
, septembre 2020.