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Égarés, oubliés Sentences salées

septembre 2020 | Le Matricule des Anges n°216 | par Éric Dussert

Scientifique réputé pour ses travaux et la commercialisation de son « plasma marin », René Quinton fut aussi un va-t-en-guerre volontiers moraliste.

Dès 1904, les libraires spécialisés purent mettre en montre L’Eau de mer, milieu organique (Masson & Cie), un livre bientôt suivi du Plasma marin en injections sous-cutanées dans les gastro-entérites infantiles (Dispensaires marins de Paris, 1912) et d’une nouvelle édition de L’Eau de mer milieu organique en 1912. La reconnaissance de son auteur, René Quinton, fut foudroyante dans un pays qui souhaitait vitaliser à tout prix ses villes thermales et son tourisme côtier. Les théories de ce scientifique autodidacte tombaient à pic. À force d’observation, il avait élaboré sur l’origine des organismes vivants une thèse qui le faisait considérer comme le « Darwin français ». La biologie future ne confirma pourtant pas ses intuitions et son rôle fut effacé, sauf chez les adeptes de la médecine naturelle.
Son apport fut double : il y eut la « loi de la constance générale » et son « plasma ». Albert Dastre nous explique ça : « Darwin nous apprend que l’obéissance à la loi d’adaptation régit les formes animales. Quinton nous apprend que la résistance à l’adaptation régit la vie animale. » Opposée apparemment à Lamarck et Darwin, sa théorie, finalement jugée compatible, eut une conséquence : remarquant que les liquides qui baignent nos cellules sont en osmose avec le milieu marin en matière d’oligo-éléments et de minéraux – l’iode restant moins concentré –, Quinton montra avec succès que l’on pouvait remplacer avec bénéfice une partie du sang d’un chien avec de l’eau de mer diluée. Son « plasma » était lancé, et l’on en vend toujours sous le nom d’« eau de Quinton ». Soignant dans ses dispensaires de Berck, Lyon ou Paris les bébés atteints de choléra ou de gastro-entérite, il conserva l’intérêt des naturopathes et des thermalistes qui utilisent sa trouvaille en dermatologie, gynécologie, « contre le stress, les saignements de nez, les diarrhées ou même dans le cadre d’une cure détox »… Constitué d’une eau de mer prélevée dix mètres sous la surface à proximité d’un vortex, son plasma fait recette. Il figure jusque dans les années 1970 dans le dictionnaire des médications Vidal.
Ce savant hors norme est né le 15 décembre 1866 à Chaumes-en-Brie, une petite ville plantée à l’orée d’une forêt. Petit-fils de notaire, fils de médecin, il se convainc tout jeune qu’il faudra un jour sa statue à une place publique. Ses amis se souviennent que « L’énergie de René Quinton était digne des plus beaux exemples ». Son ambition était ferme, ainsi que son attitude devant la mort qui émut (C.-L. Julliot, René Quinton, 1925) : trépassant dans la nuit du 9 au 10 juillet 1925 à Paris d’une angine de poitrine, il s’était fait livrer un grand miroir pour voir son visage au moment fatal… Son ami le philosophe Jules de Gaultier le salua dans le Mercure de France : « René Quinton n’était pas de ceux à qui on dit adieu. Ses amis conservèrent durant leur vie, les ayant gravées dans leur esprit, son image et sa pensée. L’histoire, après eux, fera le reste, l’histoire des idées, l’histoire des sciences, l’histoire aussi, telle que la traduisit l’ancêtre Amyot sur le texte de Plutarque. » Quinton descendait en effet de l’humaniste par sa mère, née Amyot, qui descendait aussi de Danton… Pour le jeune homme, il y avait eu d’abord des études à Chaptal, de longs doutes sur son avenir et un long voyage commandé par son père, passant par l’Égypte, la Grèce et l’Italie. Là, accoudé aux ruines antiques, on put le voir, paraît-il, méditant des heures entières sur le sort des héros. Tout Quinton est là : une immense préoccupation de sa postérité et des traces qu’il allait laisser. Critique d’art avorté, auteur d’un essai sur Don Juan, d’un drame inspiré par le suicide passionnel raté d’Henri Chambige, il travailla sur des manuscrits comme une Science de la sensibilité (disparue), ou sur l’essai posthume qui fascinaient ses familiers, Les Deux Pôles, foyers d’origine. Origine australe de l’Homme. Reste aussi ses problématiques Maximes sur la guerre (B. Grasset, 1930), son livre le plus… littéraire.
À l’âge vénérable de 48 ans, Quinton avait entamé la Première Guerre mondiale en tant que capitaine, et il ne craignait pas de recevoir un 420 sur la caboche. Bientôt lieutenant-colonel, on lui compte une dizaine de blessures et autant d’actes de bravoure sur les bords de l’Yser : « personne de ceux qui l’y ont connu n’oubliera sa défense de Lombartzyde, lorsqu’il commandait le tir de ses pièces, froidement assis au milieu de la route, alors que les mitrailleuses ennemies, postées à l’autre bout du village, faisaient voler déjà les balles autour de lui. Rappellerai-je la Tour des Templiers, écoulée jusque sur sa tête, ses observatoires audacieux ? » (Le Parthénon, janvier 1926). Entre deux exploits, Quinton trouve le temps de forger des aphorismes. Intensité et brièveté conviennent bien aux circonstances. Ses sentences, pensées forgées au feu, sont martelées par les explosions. Ce sont les fruits d’un être exalté, éprouvé spirituellement, une sorte d’Ernst Jünger français développant une esthétique ascétique et virile. Son postulat : « La maternité est l’état naturel de la femme. La guerre est l’état naturel de l’homme. » D’où procède une pensée épurée cuite dans la misogynie et une mystique morbide – pensons à Mishima et au bushido de Nitobe Inazo : « La nature n’aime pas les mâles. », « La guerre est un chapitre de l’amour. », « Les hommes peuvent rêver qu’ils n’aiment pas la guerre. La nature aime la lutte et la guerre. » Bref, un va-t-en-guerre révoltant qu’Ernst Jünger dans son journal Jardins et routes plaçait tout simplement parmi « la haute chevalerie » de ce conflit. D’où, sans doute, son goût nouveau pour la locomotion aérienne qui forgeait, elle, les nouveaux héros de son temps…

Éric Dussert

Sentences salées Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°216 , septembre 2020.
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