Un livre

Filles données aux Adamites

de Mathias Rambaud

Editions Pierre-Guillaume De Roux

Tout a commencé au Paradis, un bar d’une station balnéaire. Serveur le temps d’un été, Mathieu y fait la connaissance d’un père et de ses deux filles, Esther, l’aînée « qui porte l’amour sur son corps », et Abigaëlle, la cadette, beaucoup plus troublante tant elle semble auréolée d’un nimbe de « dangers flous ». Elle fascine Mathieu, ce dont le père s’aperçoit vite : « Pourquoi ne passeriez-vous pas les vacances sur l’île avec nous ? » Séduit, épris, tenté par l’aventure, il accepte, et le voici qui débarque sur cette île étrangère où vit la famille et où travaille le père.
Entre des filles dont la beauté affole les indigènes – et dont le père n’aimerait pas qu’elles s’égarassent dans la voie empruntée par les femmes nues qu’il contemplait autrefois « se livrant aux actes bestiaux à elles commandés par des hommes » – et un Mathieu subjugué par celle qu’il désire, c’est la force, la substance et la fluidité du désir que Mathias Rambaud – né en 1978, et auteur du Livre des séjours et des lieux (Arléa, 2015) – met en exergue. Et ce, avec d’autant plus d’acuité qu’Abigaëlle est le contraire d’une vierge ingénue. Sa virginité, dont le temps est compté puisqu’elle a choisi celui par qui elle sera déflorée, n’est pas synonyme d’ignorance de son désir et de son sexe. Indocile, s’engageant dans chaque chose « par la voie d’une inclination secrète réalisée à corps perdu », elle nage en apnée dans l’immanence, très consciente du goût des voluptés fortes que son comportement avive et exalte. D’où un livre qui s’inscrit dans l’écart entre attendre et atteindre, et qui se déploie entre l’inavouable et l’exhibition. Un livre où la nudité démontre son pouvoir d’effraction, où tout est piège ou trahison et où la sexualité est vécue comme moyen de reculer les limites de l’inconnu.

Richard Blin

Filles données aux Adamites
Mathias Rambaud
Pierre-Guillaume de Roux, 192 p., 18 €