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Domaine français Poor lonesome writer

mars 2021 | Le Matricule des Anges n°221 | par Thierry Guichard

Invité à faire une tournée de promotion pour la sortie de son roman aux USA, l’écrivain et traducteur Brice Matthieussent fait l’expérience de la profonde déception dans l’Amérique de Trump.

Amérique fantôme

Aucun éditeur français ne lui avait proposé cela : faire une tournée de promotion à travers le pays pour la parution d’un de ses livres. On comprend dès lors l’enthousiasme de Brice Matthieussent à accepter l’invitation de Will Ewans son nouvel éditeur américain, qui vient de faire paraître la traduction de La Vengeance du traducteur (P.O.L 2009) chez Deep Vallum, maison d’édition texane tournée vers les littératures étrangères. Enthousiasme que de précédents séjours aux USA ne tempèrent pas : traducteur de plus d’une centaine de livres écrits par de grands auteurs (Thoreau, Kerouac, Bukowski, Fante, Easton Ellis, Bass…), Brice Matthieussent n’est donc pas insensible à la mythologie américaine que ces ouvrages ont tissée. Mais le Marseillais va vite déchanter. L’Amérique qu’il va traverser du sud au nord n’est pas la plus accueillante qui soit. Will lui a préparé un périple précis : Dallas, Houston et Austin le maintiendront huit jours au Texas qui « est plus grand que la France » avant de partir vers le nord en avion pour deux jours à Pittsburgh, un à Boston, deux à New York et à nouveau Boston pour prendre le vol retour. En avion, en voiture ou en train, notre écrivain voyagera seul, dînera seul (à une exception près), dormira mal dans des hôtels périphériques standardisés (à une exception près) posés souvent au cœur d’un lacis d’autoroutes tentaculaires. Will, fantomatique, ne l’accompagne pas, ne s’enquérant que par textos du bon déroulement de la tournée. Dès lors, « pendant ce voyage seules la lecture ou l’écriture (lui) donnent le sentiment d’une continuité ».
C’est que non seulement l’Amérique qu’il découvre est une fabrique de solitudes, mais en plus ses architectures, son urbanisme, la déshumanisation des hôtels entament très sérieusement l’intégrité de celui qui y est abandonné. Plusieurs fois, Brice Matthieussent croisera de pauvres hères, souvent des Noirs, parlant seuls au coin d’une rue, misérables fous échoués dans la périphérie des quartiers riches, reflets anticipés de ce qu’il pourrait lui-même devenir. L’écriture le sauve alors et le récit qu’on lit est aussi pour lui une manière d’habiter ces quinze jours de disparition à soi-même. Les premiers jours sont rudes. Arrivé à Dallas accablée de chaleur, une tempête tropicale, un urbanisme dévoué à la voiture, l’anonymat glacé des grands immeubles et la pollution publicitaire vont doucher son enthousiasme. Il fait d’emblée l’expérience d’une ville qui bannit les piétons : pas de trottoir, pas de chemin mais des buissons autour des immeubles qui mettent son anorak en lambeaux pendant que la pluie tropicale s’abat sur lui. La lassitude des gens qu’il croise (vendeurs de téléphone, serveuse de restaurant, femme de ménage ou préposés à l’accueil des hôtels) n’est pas contrebalancée par la chaleur que les librairies lui réservent. Le « VRP », une fois la rencontre avec de potentiels lecteurs effectuée, est gentiment remercié et laissé seul à sa soirée, sa nuit, sa prochaine journée.
Amérique fantôme n’est pas un essai : Matthieussent ne prétend pas y décrire l’Amérique de Trump. Il est le récit d’une déception, d’un voyage solitaire et désincarné, dont l’écriture est tenue au plus près de ce que l’écrivain voit, entend, découvre. Il déploie devant nous le paysage urbain de chaque ville, mesure la déshumanisation d’un monde replié sur lui-même, note la déconsidération à laquelle la littérature et l’art sont soumis. Mais il le fait en montrant ses propres contradictions (passant ses soirées à regarder des matches de tennis sur sa tablette) sans surplomb, sans prétention : dans une humanité meurtrie que l’écriture irrigue, nourrit et finit par faire triompher comme si la littérature était son dernier sanctuaire.

T. G.

Amérique fantôme
Brice Matthieussent
Arléa, 280 pages, 20

Poor lonesome writer Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°221 , mars 2021.
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