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Domaine français Homme-livre dans ville-monde

mars 2021 | Le Matricule des Anges n°221 | par Dominique Aussenac

En piéton de Trieste et de sa diaspora, Samuel Brussell nous invite à un voyage littéraire précieux, fantomatique.

Dans un entretien à France Culture, Samuel Brussell énonça sa définition du cosmopolitisme : « Être à la fois d’un hameau et ouvert sur le monde ». Formule qui définit pleinement l’habitant de Trieste, port sur l’Adriatique le plus au sud de la Mitteleuropa, ville-frontière la plus au nord de l’Italie. « “La Philadelphie de l’Europe, le port où tous les naufragés trouvent un refuge”, tous avec en tête le rêve de Robinson Crusoé : édifier une cité. » selon le poème d’Anita Pittoni, « L’Anima di Trieste ». On y parle, on y a parlé le frioulan, l’italien mais aussi le slovène, le serbe, le croate, l’autrichien, l’allemand, le hongrois, voire le grec et le turc. Si le fascisme en fit une ville symbole irrédentiste et le nazisme une ville martyre (dans son camp de transit puis d’extermination furent « traitées » 12 000 à 15 000 personnes : des juifs, des Slaves, des résistants italiens), elle fut pourtant longtemps cité ou territoire libre, rivale de Venise. Au cours des siècles, la littérature y rayonna. Jules César, auteur de La Guerre des Gaules l’évoque et baptise de son patronyme la région. Italo Svevo, Umberto Saba, Claudio Magris y naquirent, Giorgio Pressburger y mourut, Stendhal et Joyce y séjournèrent. Une ville faite pour Samuel Brussell, passeur nomade, un peu juif errant, un brin diablotin, érudit dilettante, philologue aussi amoureux des livres que des écrivains et de tout ce qui les entoure. On lui doit le magnifique catalogue des éditions Anatolia.
Sa première découverte physique de Trieste remonte aux années 80 lorsqu’employé de la Compagnie Internationale des wagons-lits, il fréquenta la Libreria Italo Svevo. Il y retourne en 2017, à la découverte d’une correspondance entre le « mythique » Roberto Bazlen (1902-1965), « artiste sans œuvre », critique littéraire, spécialiste de la littérature de la Mitteleuropa qui, né à Trieste, s’en exila et Anita Pittoni (1901-1982) qui « s’apprêtait en 1949, à lancer une maison d’édition, le Zibaldone, et demandait à son ami d’y participer. Je connaissais Anita Pittoni comme éditrice d’un des catalogues les plus raffinés de l’Europe de l’après-guerre et voilà que je découvrais l’écrivaine, avec ses lettres et son Journal, que venait de publier le libraire Volpato. C’est alors que j’eus une vision : libraires et éditeurs, artistes, écrivains et poètes : tous ces artisans ne formaient qu’un seul monde, le monde de la beauté et de la connaissance qui révèle à chacun son identité.  » Il écume alors les librairies en s’en réclamant rat. « Une librairie peut devenir le centre métabolique d’une ville – une librairie, c’est-à-dire une officine habitée par un libraire. » D’une manière vibrionnante, à partir d’évasives traces littéraires, articles, tracts, publicités, s’attardant sur des lieux, devantures, monuments, surlignant des textes, livres, poèmes, tout à l’intuition, suivant des connexions parfois obscures, il quête témoignages, impressions, ombres et éclats de la ville. Fréquente ses archives, des collectionneurs, des peintres, des témoins de témoins, des gens de la rue, se nourrit de rencontres avec les vivants et les morts. Pour un détail, une précision, repart à Milan, Rome, Genève, recueille dans une maison de retraite les dernières paroles d’une vieille dame, plus émouvantes qu’instructives. Il en dresse des portraits tendres qui traversent le temps et l’espace avec toujours la ville en contre-fond balayée par son vent du nord, la bora agitant les statues de bronze de Saba et de Joyce.
Trieste se fait tour à tour cité imaginaire, ville invisible d’un Italo Calvino, rêve, cellule nourricière, mitochondrie, forteresse, se rétrécit, s’invagine, s’étend. « Plus qu’aucune autre ville, Trieste a l’art de répandre son ombre dans les lieux les plus disparates de la diaspora, loin de son centre métabolique. »

Dominique Aussenac

Alphabet triestin
Samuel Brussell
La Baconnière, 138 pages, 19

Homme-livre dans ville-monde Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°221 , mars 2021.
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