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Domaine étranger Puissance du noir

mars 2021 | Le Matricule des Anges n°221 | par Thierry Guinhut

Nouvelliste torrentiel, William T. Vollmann glisse du réalisme à la déferlante du surnaturel.

Les immenses proportions sont une marque de fabrique de William T. Vollmann. Huit volumes pour une Histoire de la violence en 4000 pages, un roman de 944 pages au service de La Famille royale, un autre légèrement plus ramassé, avec ses 928 pages : Central Europe. Les destins des déclassés et des continents y sont balayés avec une puissance redoutable. Ogresque toujours, malgré le format plus modeste de la nouvelle, il ne peut moins faire qu’offrir trente-trois d’entre elles, dont certaines feraient office pour des auteurs plus anorexiques de brefs romans.
Que l’on ne se décourage pas ; au contraire ! Mais à condition d’aimer frémir, d’adorer la peur et ses monstres effroyables. Car, en ce « mur de souffrance », tombes et fantômes sont les motifs récurrents et les accélérateurs de fictions fantastiques. Pourtant les premières nouvelles restent assez platement réalistes, comme la mort de deux amants sur un pont de Sarajevo et des personnages « À l’affût des obus ». L’on glisse vers le roman historique avec « Le trésor de Jovo Cirtovich », commerçant et navigateur de Trieste au XVIIIe siècle. Bientôt l’interrogation fantastique vient hanter un enfant « haïsseur de madones » : ce dernier lui ayant jeté une brique l’a fait pleurer du sang, aussi l’homme qu’il est devenu la craint toujours, lui doit, en fonction de son comportement, sa guérison ou son mal. À Trieste encore, où apparaît la peintre Leonor Fini, où les statues bondissent de leur bloc de marbre, y compris celle de James Joyce, Rosseti rencontre une « Déesse chatte ». Le monde du réel est de plus en plus subverti par l’irruption du surnaturel. Ainsi le nouvelliste observe une progression calculée, non seulement thématique mais dans la beauté stylistique.
Les choses empirent avec « Le Fantôme des tranchées » qui ambitionne de « devenir général », en un conte guerrier, morbide et baroque, entre archéologie romaine et « conquête du mal » ! Plus loin, une « Épouse fidèle » connut la boue du sépulcre, cette « salle de torture où tuer les morts ». Or la « défunte et sensuelle » vampiresse que « la tombe a vomie », continue à rendre son mari fort amoureux, quoique bien vite aux prises avec l’Inquisition. En réchapper, fuir, une boîte funèbre pour bagage, permet au couple nocturne de prospérer à Trieste : elle confectionnant des robes divines, lui la protégeant du monde et du jour qui risquent de la pourrir…
Le goût amer des amours maléfiques parcourt le monde, y compris au Mexique, entre fantôme de la Malinche et « main de squelette », jusqu’en Norvège, où s’agitent les « trollesses, dévoreuses de cadavres à la pelisse de boue ». Morbidité et sorcellerie sont en effet universelles. Au Japon, d’où viennent les « esprits-renards », « Le fantôme du cerisier » fait affreusement merveille. Le superbe et élégiaque « Fantôme photographique » laisse le lecteur perplexe face à la disparition d’appareils obsolètes et de leurs pellicules : un spectre les ranime afin que les êtres soient « sauvés pour l’éternité », malgré l’emprise de démons jumeaux. Ailleurs l’on succombe au « Banquet de la mort », en imaginant de condamner cette dernière à disparaître pour toujours.
L’exercice de style, renouvelant les thématiques et les géographies du fantastique, est brillant. La prose du nouvelliste sait rendre suaves les créatures maladives et répugnantes, brûlantes d’érotisme celles qui fricotent avec un au-delà morbide. Dans la tradition du roman gothique et du romantisme noir, qui va du Moine de Lewis, en passant par Frankenstein de Mary Shelley, les contes d’Edgar Poe et de Lovecraft, jusqu’aux terreurs de Stephen King, William T. Vollmann, qui prétend à son acmé littéraire publier ici son « dernier livre », fait ses gammes avec un sens affûté de l’horreur succulente.

Thierry Guinhut

Dernières nouvelles et autres nouvelles,
William T. Vollmann
Traduit de l’américain par Pierre Demarty
Actes Sud, 894 pages, 28

Puissance du noir Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°221 , mars 2021.
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