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Domaine français La part du héros

mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223 | par Richard Blin

En ressaisissant la part enfantine et nécessaire de toute vérité à vivre, un homme « sali par la mort » retrouve la force d’affronter ce qui est.

Un homme s’adresse à ses amis – « Oh mes amis… » – et à nous par la même occasion, pour leur raconter un épisode de sa vie de jeune garçon de 11, 12 ans. Un souvenir qui lui est revenu sous les mains d’un homme, qu’il appelle « le chaman » et qui lui a proposé d’alléger ses souffrances, de soulager les « nœuds » de son corps et de son esprit, ceux qui, suite au deuil de deux personnes très chères, le condamnent à vivre « comme enfoui dans la tombe de la vie elle-même ».
Conduit par ce chaman à accepter l’idée qu’il « faudrait laisser partir ceux qui nous ont quittés », il en vient à se revoir quarante ans plus tôt, en 1973. Au-dessus de l’appartement où il vivait avec sa famille, dans les faubourgs de Toulouse, habitait un voisin qui, régulièrement, l’appelait ou lui donnait rendez-vous pour aller faire un tour avec lui. « Je vous l’emprunte disait-il à mes parents ». Des virées magiques dans les bois ou à foncer à toute allure sur des routes sinueuses, la radio à fond, toit ouvert sur la nuit étoilée. « Nous nous sentions libres comme si nous venions de traverser victorieux, et de justesse, de terribles épreuves. »
Cet homme, la trentaine, hâbleur, buveur de bière, possédant une vieille Renault Torino, moteur six cylindres, il le voyait comme un personnage héroïque. « Il s’en allait par le pays, avec son automobile, ses chiens et ses deux fusils dans le coffre, chercher des aventures et pratiquer tout ce que je pensais, enfant, que pratiquaient les chevaliers, redressant toutes sortes de sorts ».
Avec lui, il échappait à la douce insignifiance d’une vie familiale circonscrite au cercle étouffant de l’habitude. Il s’arrachait d’un monde de « petites croyances, comme la nécessité de rester entre nous, de ne pas viser trop haut ni traîner trop longtemps dehors ». Avec lui, il s’évadait dans l’ouvert, ressentait l’excitation qui ouvre le monde. Il avait la sensation d’être vivant, faisait l’expérience d’un sentir primitif : son cœur battait, la vie palpitait, comme neuve, non édulcorée par une morale trop civilisée. Et un matin, à la chasse, « chacun son fusil », ils tireront sur un lièvre. « Tu l’as eu, tu l’as eu », lui fera croire son voisin. « Ce coup-là a emporté le petit garçon que j’étais. »
Puis ce sera le retour à la maison, « avec sur mes genoux d’enfant, de jeune bête humaine, le cadavre tiède de la petite bête sauvage », et la leçon de dépeçage. Et c’est à l’abandon de l’enfance que nous assistons, à une forme clandestine d’initiation, avec ce qu’elle comporte de souffrance et de méprise. Car quelques jours plus tard, « les flics sont arrivés chez lui et l’ont embarqué » sous ses yeux, sans explication. Et l’enfant de se souvenir que la veille, il lui avait dit : « C’est la dernière fois. La dernière fois que je t’emmène avec moi. » Comme s’il savait. Ce fut aussi la dernière fois où ils échangèrent un regard.
Un roman miroitant de mélancolie et de mémoire sensorielle. Une histoire de héros brisé, de dépouille, de peau perdue, de peau à retrouver, « la seule que nous ayons et avec laquelle nous traversons la vie ». Une histoire de jouissance et de chimères, celles d’un « hidalgo de pacotille » qui était « de ces chevaliers oubliés par leur époque, le regard fixé sur des montagnes invisibles où eux seuls voient les repères des lignes ennemies. Et qui ont enfoui très jeunes les cuisantes raclées d’un destin mal ficelé dans une petite France qui ne laissait déjà pas trop d’espace à ceux qui n’ont pas grand-chose ». L’histoire enfin d’un petit garçon qui ressuscite et montre le chemin qui conduit à l’air libre et au soleil.

Richard Blin

Le Lièvre
Frédéric Boyer
Gallimard, 160 pages, 15

La part du héros Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°223 , mai 2021.
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