Thierry Hesse, détective littéraire
On l’a connu en 1996 lorsqu’est paru le premier numéro de la belle revue L’Animal qu’il a créée. Voix posée avec une forme de douceur, visage juvénile, regard grand ouvert sur le monde : Thierry Hesse, depuis, est devenu écrivain, impressionnant son monde dès son premier opus, Le Cimetière américain paru en 2003. Premier roman suivi désormais de cinq autres dont Une vie cachée qui vient de paraître et qui, de son aveu, mettrait fin à un cycle.
L’homme, discret, enseigne toujours la philosophie dans un lycée de Metz, sa ville natale à laquelle il est resté fidèle réservant pour l’écriture les heures d’avant l’aube. Si dans Une vie cachée le narrateur (son alter ego) envisage sérieusement de venir s’installer dans la Meuse, c’est du côté de l’Ardèche que notre homme a programmé sa future vie de retraité. On en est presque étonné, tant Metz est devenue, pour ses lecteurs, un de ses personnages récurrents.
Il naît dans la cité mosellane en août 1959, premier fils d’une famille qui en comptera deux : le cadet naîtra quatre ans plus tard. Le père exerce le métier de chef-comptable pour une société de vente de viande en gros, avant de devenir le responsable financier d’une entreprise concessionnaire de poids lourds. La mère prendra le secrétariat d’un architecte à temps partiel. Ce qui, si on en croit Une vie cachée, vaudra au jeune Thierry d’être un an durant hébergé deux jours par semaine par son grand-père François (appelé alors Franz) à la découverte duquel Une vie cachée est consacré. Côté paternel, on est Mosellans : le grand-père apprend le métier de tailleur pour échapper à la ferme et sa femme cuisine pour les noces et banquets. Côté maternel, on ne vient pas de beaucoup plus loin : le grand-père est ouvrier brasseur en Alsace. Thierry Hesse n’a pas connu sa grand-mère maternelle, emportée par un cancer dix ans avant sa naissance.
Les deux frères et leurs parents vont d’abord habiter rue du Faisan à Metz, non loin de la Cathédrale, un grand appartement au cœur d’un immeuble ancien, proche des rives de la Moselle. « Je n’ai jamais quitté ma ville natale, même à l’époque de mes études. Metz, ville d’histoire et de garnison, m’a assigné une forme d’identité, a probablement façonné une partie de mon tempérament et ce n’est pas fortuit qu’elle soit, dans plusieurs de mes romans, bien plus qu’un simple décor – un personnage encombrant. Cela dit, elle m’apparaît aujourd’hui plus mélancolique que martiale : la présence de l’eau, de nombreux jardins, l’impression d’un éclat éteint, et surtout cette quête éperdue de reconnaissance, du fait d’une guerre perdue (1871), de l’annexion allemande, de sa rivalité avec Nancy aux airs flamboyants. »
À l’entendre, son enfance s’est déroulée sans accroc au sein d’une famille comme on en voyait beaucoup durant les Trente Glorieuses. « Mes parents nous aimaient sans effusion. » Attentif aux résultats scolaires, le père, homme « pudique », vise pour ses fils une certaine réussite sociale....