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Poésie À hauteur de mots

octobre 2021 | Le Matricule des Anges n°227 | par Emmanuelle Rodrigues

Prix Nobel de littérature en 1945, Gabriela Mistral nous offre une expérience esthétique en osmose avec le continent sud-américain.

Gabriela Mistral n’est-elle pas cette écrivaine pour qui essarter et défricher le langage, consiste en quelque sorte à faire rejaillir la beauté de celui-ci dans toute sa majesté ? Son œuvre fait entendre une voix puissante dont le chant révèle la verticalité, jusqu’au vertige, tel celui que les hauteurs de la cordillère des Andes ont pu lui inspirer, au cœur de la vallée de l’Elqui, où elle est née, au nord du Chili. Pauvre et rural, le milieu dont elle est issue, la conduira à s’engager pour l’éducation, ou la défense des droits des femmes. Institutrice puis professeure, elle ne cessera d’enseigner. Elle poursuivra une carrière diplomatique, occupant le poste de consul du Chili dans de nombreux pays. À Lisbonne notamment, elle contribuera à exfiltrer des républicains espagnols vers l’Amérique latine. Gabriela Mistral qui est décédée à New York, âgée de 68 ans, est ainsi la première des auteurs sud-américains à recevoir le prix Nobel de littérature, en 1945. Peu traduite en français, elle le sera cependant par Roger Caillois puis par Claude Couffon. À présent édité intégralement, Essart paraît dans une remarquable traduction d’Irène Gayraud.
Paru en 1938, le deuxième des quatre recueils que l’écrivaine fit paraître, se révèle d’emblée, ainsi que la traductrice le note, comme une œuvre « inclassable, profondément novatrice ». Celle-ci, imprégnée par les littératures européennes et latino-américaines, mais aussi par les mythes et civilisations de Mésoamérique frappe par son syncrétisme, lequel entremêle tout autant les figures bibliques et celles des héros de la mythologie grecque. La matière de la poésie ne peut être, nous dit Gabriela Mistral, qu’hallucinée. Du moins, est-elle aussi traversée, pour ne pas dire irriguée par un sens indéniable du sacré. Il s’agit d’incantations religieuses, de prières témoignant d’une expérience mystique poussée jusqu’à son paroxysme. L’auteure dit avoir été éprouvée par une « crise religieuse ». Loin d’assécher sa verve poétique, celle-ci s’en trouve rehaussée d’accents tragiques : « en un regard, les yeux s’échangent/ la parole dans l’iris loyal,/ et nous baissons les yeux à nouveau,/ tels la jarre vers la margelle obstinée,/ désolés d’avoir appris/ avec le nom le chiffre létal. »
La poétique de Gabriela Mistral tient aussi, selon la traductrice, à une « approche phénoménologique et animiste du monde ». La profusion de motifs empruntés à la nature, au règne végétal et animal confère au flamboiement de cet imaginaire son caractère merveilleux, voire magique. L’allégorie, la personnification soulignent l’ambivalence de cet univers fortement symbolique. Ainsi, l’archétype de la matriarche tour à tour incarnant la vie, mais aussi la mort, ou encore la nature, corps nourricier, mystique et cosmique, renvoie-t-il également à la source spirituelle de la poésie comme à l’expression d’une expérience sensible. Essart s’articule autour de ce mythe de la mère comme origine de toute vie, de toute matière, de toute forme. La puissance de ces vers tend à coïncider avec une transe langagière. Le verbe de Gabriela Mistral invoque, convoque, rend gloire. Aussi, cette écriture qui s’égrène, formule-t-elle des messages qui ensorcellent par leur enchantement : « Passent les oiseaux de biais,/ passe la balançoire de la lumière,/ passe le tranchant des hivers ». Et dans Poète, cette assertion : « Dans la lumière du monde/ je me suis confondu (…) Dans le filet qu’on appelle/ la nuit, je fus blessé ». Comparant les mains à des hirondelles, à des rames « noires qui toujours halètent/ et qui jamais n’achèvent la mer », l’écrivaine nous invite à renouer avec le pouvoir de la parole en ses multiples écritures.

Emmanuelle Rodrigues

Essart
Gabriela Mistral
Traduit de l’espagnol (Chili) et présenté par Irène Gayraud
Éditions Unes, 192 pages, 23

À hauteur de mots Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°227 , octobre 2021.
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