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Poches Au libraire inconnu

janvier 2022 | Le Matricule des Anges n°229 | par Jérôme Delclos

Guidé par Vincent Puente, on tombe dans les livres et le panneau. Bibliophobes s’abstenir.

Le Corps des libraires

Histoires de quelques librairies remarquables & autres choses
Editions Bibliothèque

Avec son « C » majuscule, Le Corps des libraires désigne, selon son chapitre éponyme, une brigade des livres, qui au cours de l’histoire « se militarise peu à peu », dont les rangs « se composent essentiellement d’analphabètes », et qui servent de grands lecteurs, comme la comtesse d’Artois ou le prince de Ligne. Ce dernier les équipe d’un uniforme à « parements couleur de rose et bouton d’or », quand le marquis de Brunoy, pour son propre équipage, choisit « la livrée noire et or ». Mais le corps en question est aussi celui de « M. Cerque », vieux grincheux érudit (soit l’archétype du « libraire d’ancien »), qui ne reçoit que sur rendez-vous et dont l’allure, de tortue, met au supplice le client qui doit patienter stoïquement pendant que le vieillard chemine vers la réserve. Après quoi il en revient avec le livre, toujours au ralenti comme dans un film visionné image par image. Ce vieux trompe-la-mort de Cerque, presque un zombie, apparaît ainsi comme le double inversé de « Sengle » – par parenthèse le nom d’un personnage d’Alfred Jarry –, que déjà évoquait Puente à la fin de son Anatomie du faux : « Malgré son âge avancé, il se déplace parmi les piles de volumes avec la grâce d’une araignée d’eau, effleurant à peine les couvertures à la surface ». Le fantastique est ici omniprésent, et d’ailleurs, l’un des employés de l’inquiétante librairie « installée dans le cimetière de Logres » est « le sosie de Bela Lugosi ». Le corps du libraire, c’est encore celui de Louis-Stanley Anderson, responsable de rayon emmuré vivant dans une pièce oubliée de l’immense et labyrinthique « National Bookstore de Detroit » dont Puente nous montre une photo qui, sur la page de garde, semble annoncer un guide touristique. Il y a aussi les corps des officiants burlesques, quasiment des pantins, de l’unique et débordante librairie de Gibraltar « Les Colonnes d’Hercule », et qui luttent, de façon méthodique, contre l’écroulement des susdites colonnes qui menace à tout instant. Et qui parfois survient, ensevelissant alors l’un des libraires sous l’avalanche des livres.
Lui-même libraire, bibliomane invétéré, collectionneur, Vincent Puente, on l’aura compris, est un bel exemple de celui que la critique littéraire nomme « le narrateur indigne de confiance ». Mais modéré plutôt que radical, ce qui, ceci dit, ne simplifie rien. L’auteur nous fournit certes suffisamment d’indices du statut de fiction de son récit, et Le Corps des libraires, se dit le lecteur hâtivement goguenard, pourrait se trouver dans la vitrine de la « Librairie L’Ectoplasme », spécialisée dans les « factices » ou « fantômes, c’est-à-dire des silhouettes de livres » qui remplaceront dans les bibliothèques les exemplaires perdus, non-rendus ou volés. Mais : et si, au fond, tel ou tel détail, tel personnage, telle anecdote étaient vrais ? Toute la lecture se retourne alors comme un gant, et l’on en sort troublé.
Sous-titré « Histoires de quelques librairies remarquables & autres choses », Le Corps des libraires, en effet, nous parle également d’« autres choses », ce par légères touches. L’auteur nous parle d’une espèce en voie d’extinction, et des temps, bientôt révolus, où ils avaient pignon sur rue et leurs bacs sur le trottoir. « Sa lenteur, nous dit Puente de Cerque, a tôt fait de l’exclure de notre époque de vitesse et d’immédiateté ». Puente nous parle d’époques où les guerriers emportaient des bouquins dans leur barda, et de bibliophiles assez passionnés pour se faire mineurs de fond et descendre dans des galeries boueuses, aux étais vermoulus et moisis, pour en rapporter des trésors : « On vient ici pour exploiter une veine de livres, essentiellement des publications des XVIIe et XVIIIe siècles (…). Il va sans dire que l’extraction est dangereuse et présente des risques sérieux ».
Il nous instruit aussi des mœurs de « l’Ophysaurus papyrus, ou lézard des bibliothèques », qui niche dans le papier. « Vif et rapide, il ne se laisse pas prendre facilement ». En bref, un livre jubilatoire que M. Cerque, dans la réserve, aura, c’est sûr, classé parmi les curiosa.

Jérôme Delclos

Le Corps des libraires
Vincent Puente
La Bibliothèque, 123 pages, 8

Au libraire inconnu Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°229 , janvier 2022.
LMDA papier n°229
6,50 
LMDA PDF n°229
4,00