Un livre

L' Etrangère

de Olga Merino

Editions Dalva

La terre reste un thème récurrent, très prégnant de la littérature hispanique. Quarante-cinq ans après la mort de Franco, sa possession et sa dépossession font toujours couler sang, sueur et encres. Nous sommes ici dans l’Espagne vide, quelque part dans les deux Castilles, l’Aragon, l’Estrémadure ou la Rioja. 53 % du territoire national, occupé par 15 % d’individus. Une population vieillissante qui s’accroche à des racines vermoulues, des paysages et des climats inhospitaliers. Canicule en été, froidure en hiver. « Je sais comment conspirent les murmures – un grésillement de cigales, le grattement de la taupe, le crissement des chardons coiffés par le vent – afin d’épaissir encore davantage le silence. Le temps est enseveli depuis des siècles dans un présent éternel où chaque instant est identique au suivant ». Angie-Angela, femme assez marginale, retourne dans la maison de ses parents décédés. Elle a vécu à Londres, y a aimé un peintre, disparu lui aussi. Perçue comme une étrangère par le reste du village, elle vit avec ses chiens, fréquente un Africain sans-papier et un émigré ukrainien. Sa découverte d’un pendu au milieu d’un verger porte au paroxysme une tension digne d’un western de Sergio Leone ou du Llano en flammes de Juan Rulfo. Le récit s’accélère, les langues se délient, un lourd secret empuantit la campagne tandis que les héritières du suicidé tentent de déposséder Angie. Dans le ventre de la mère Espagne, ses enfants s’écharpent toujours. Les chiens paient l’aveuglante avidité des hommes et sont empoisonnés. Difficile d’être une femme seule et libre au milieu d’une meute de loups et de louves. Et pourtant…
Olga Merino, née en 1965 à Barcelone, est journaliste. Autrice de quatre romans, elle excelle dans la description des paysages, des corps, du silence et des couleurs. Le rouge sang y est souvent présent. Menstruel ou criminel, toujours sacrificiel, il doit retourner à la terre pour abreuver ses sillons.

Dominique Aussenac

L’Étrangère
Olga Merino
Traduit de l’espagnol par Aline Velasco
Dalva, 272 pages, 21,90 €