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Poésie L’onde Quasimodo

janvier 2022 | Le Matricule des Anges n°229 | par Emmanuel Laugier

Sur la crête de la vague du temps, le poète sicilien forgea des vers épurés, que l’âpreté mélancolique et la lucidité conjuguent.

Oeuvres poétiques

Salvatore Quasimodo, dont le nom portait un accent renvoyant à ses origines espagnoles, se définissait comme un « siculo greco », c’est-à-dire un Grec sicilien, rappelant par là, non seulement ses racines grecques (par sa mère), mais surtout son appartenance à cette ancienne population établie en Sicile et « pénétrée de culture grecque ». C’est ce que souligne son impeccable traducteur Roland Ladrière, analysant par ailleurs avec concision les grandes étapes de l’écriture quasimodienne. Le partage du midi, entre ombre acérée et crudité de la lumière, l’ombre méditerranéenne grecque, furent sans doute ce qui fit écrire Quasimodo, avec une conscience de plus en plus approfondie, la douleur de son exil : « Île/Moi je n’ai que toi,/cœur de ma race ». Après des études à l’école technique de Palerme vite abandonnées, Quasimodo quitte la Sicile pour son premier poste de géomètre en Calabre, puis à Imperia en Ligurie. Ce travail, fastidieux, l’abat plus qu’il ne l’émancipe, allant jusqu’à marquer ses vers d’un sentiment croissant de déracinement. Ses poèmes du début, marqués par la lumière sicilienne, les amitiés, la fougue de la jeunesse, ne cachent pas le malaise de ceux qui se sentent exilés dans la civilisation corrompue du Nord post-industriel de l’Italie.
C’est au tournant des années 30 qu’il rencontre à Florence, par l’intermédiaire de son futur beau-frère Eugenio Vittorini (l’auteur de Conversation en Sicile), tout un cercle d’écrivains, dont Eugenio Montale, son aîné de cinq ans. Son premier recueil, Eaux et terre (1930), que ce dernier salue, a un ton immédiatement reconnaissable quant à la retenue et à l’épure, aux ellipses que davantage encore il accentue dans les années à venir, et à la condensation de ses motifs. Il définira son appartenance à l’école dite hermétique, dont il fut perçu comme le chef de file aux côtés de Leonardo Sinisgalli, Mario Luzi, Sandro Penna ou encore Giorgio Caproni. Quoi qu’il en soit, c’est avec cette « bande, légère, d’amis qui m’accompagne » qu’il s’éloigne paradoxalement de sa terre, et que « âpre est l’exil », « muette » sa marche « dans le noir ». Cela n’empêche pas que parmi les eaux tranquilles, saturées « de cercles d’arbres verts » (« di verdi alberi in cerchio ») les anges aux disques d’or lui montrent « la naissance du jour et de la nuit ».
Ces élans, mystiques, inscrivent son agnosticisme, plus qu’ils n’affilient ses vers à la continuité d’une foi traditionnellement chrétienne (dont le très puissant « Le fils » dans Le Vert, faux et vrai de 1949-55). Mais ils disent aussi le tiraillement que la traversée de la Seconde Guerre mondiale va accentuer en des angoisses parfois proches du déchirement du poète anglais G. M. Hopkins. Ils vont surtout le conduire, lui qui entrera au PCI dès 1945, à montrer avec une fermeté que certains (Mario Rigoni Stern, Nuto Revelli, etc.), revenus du front de l’Est et entrés en Résistance, témoignèrent, la transformation radicale que la guerre opère sur les hommes, les abandonnant dans la spirale des cercles de l’enfer : « la guerre change la vie morale d’un peuple, et l’homme en retour ne trouve plus les signes d’une certitude en un mode de vie intérieure, oublié ou raillé pendant ses épreuves avec la mort ».
Cette conscience construit la tension, ferme, et serrée comme un poing, de tous les livres futurs de Quasimodo, dont Giorno dopo giorno (1947), qui revient sur la guerre, le « silence/dans le cercle blanc des ensevelis », « la fumée noire des incendies », « le battement lancinant de feuilles », que plus tard Donner et avoir (1959-65) dira se recroquevillant dans « la chaleur étouffante ». Mais aussi, comme dans un « silence arrêté dans les rues » le geste de « la ragazza » qui sur sa nuque « relève ses cheveux rêches et rit/de sa course et du peigne égaré ».

Emmanuel Laugier

Œuvres poétiques,
Salvatore Quasimodo
Traduit et présenté par Roland Ladrière
Éditions Corlevour, 476 pages, 25

L’onde Quasimodo Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°229 , janvier 2022.
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