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Domaine français Le mur de l’Atlantide

mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231 | par Thierry Guichard

Dans un court roman tendu entre deux époques, Maylis de Kerangal et Joy Sorman plongent dans la blessure d’une vallée condamnée sur l’autel du progrès.

Deux récits, marqués par deux couleurs d’encre différentes, s’imbriquent en alternance dans ce court roman coécrit par les romancières Maylis de Kerangal et Joy Sorman. Le premier fil narratif nous montre Tomi, ingénieur venu de Paris contrôler les installations hydroélectriques du barrage de Seyvoz. L’homme a conduit de longues heures avant d’arriver au barrage où personne ne l’attend. Il va passer quatre jours à l’hôtel du plus proche village, quatre jours étranges durant lesquels il pensera devenir fou. À moins qu’il ne soit mort et ne le sache pas. On pense en effet, en suivant Tomi, à Juan Preciado le personnage du grand roman de Juan Rulfo, Pedro Páramo qui, parti à la recherche de son père, découvre un village à moitié désert, dont les habitants, finalement, s’avéreront appartenir au royaume des défunts. Ainsi Tomi ne rencontrera jamais l’ingénieur avec lequel il avait rendez-vous, sans que ce dernier ne l’appelle ou ne prenne contact avec lui. Dans l’hôtel triste et sans âme où il descend, il ne croise personne, n’entend nul bruit, ne voit pas de voiture garée à ses abords. Et pourtant, l’énigmatique Sophie, la patronne, lui confirme que l’hôtel affiche complet. Plus étonnant encore pour lui, son téléphone n’a plus de réseau et pas d’internet sur son ordinateur. Peu à peu, notre homme se sent comme à l’écart du monde, au point de douter même d’être encore en vie. Le texte sème ainsi les éléments d’un réalisme magique assez troublant, inquiétant pour le moins, dans lequel Tomi s’enlise et se noie.
L’autre récit est celui de la vallée de Seyvoz qui, sur une décision prise après la Seconde Guerre mondiale va accueillir le plus grand barrage de montagne du pays. On pense, évidemment, à Naissance d’un pont (Maylis de Kerangal, Verticales, 2010) dans ces pages qui racontent l’arrivée sur place de milliers d’ouvriers venus de partout, les sabotages, les techniques de construction. Mais le récit s’intéresse surtout au village sacrifié : Seyvoz en effet va être noyé sous les eaux du lac en avril 1952. Qu’est-ce que représente un tel sacrifice : que signifie de devoir quitter le village familial où les ancêtres morts sont enterrés ? Où les archives racontent une longue histoire que les trois cloches de l’église Notre-Dame-des-Neiges symbolisent. Comment peut-on anéantir toute une communauté de montagnards bâtie au fil des siècles ? Il y a là des pages poignantes (le cercueil d’une enfant de 7 ans morte quelques mois avant qu’il faut arracher à la terre). Autant, l’histoire de Tomi s’affranchit du réalisme, touche au fantastique, autant les pages qui racontent la construction du barrage semblent s’ancrer dans l’Histoire. Pourtant, inutile de chercher le barrage de Seyvoz ou le bien nommé Mont Néant sur Google Earth. Les deux romancières se sont en réalité inspirées du barrage de Tignes, bâti au début des années 50. L’âme de Seyvoz n’est pas l’âme de Tignes puisqu’à Tignes, le village a été reconstruit non loin et qu’à Seyvoz, c’est dans la plaine qu’on propose de reloger certains. Ainsi, les deux textes sont autant une fiction l’un que l’autre ; résonne alors la pensée de Tomi : « Seyvoz, un mur de fiction qui retient un lac d’artifice. » Mais pour saisir ce qu’est la réalité d’un village sacrifié, ou celle d’une population déplacée, qu’y a-t-il de mieux que la fiction, l’artifice ? Comme le dit l’énigmatique et envoûtante Marjorie, « c’est écrit, c’est donc que c’est vrai, non ? »

T. G.

Seyvoz
Maylis de Kerangal et Joy Sorman
Inculte, 106 pages, 12,90

Le mur de l’Atlantide Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°231 , mars 2022.
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